In Traité des maladies des enfans, nouveaux-nés et à la mamelle, fondé sur de nouvelles observations cliniques et d’anatomie pathologique faite à l’hôpital des enfans trouvés de Paris, dans le service de M.BARON.

1. Congestions

Les congestions passives de l’appareil cérébro-spinal sont très-communes chez les enfans naissans. Cela tient à l’abondance des vaisseaux, à la lenteur de la circulation et à l’influence de la respiration sur la circulation rachidienne et cérébrale.

La longueur de l’accouchement, les tractions nécessitées dans certaines manœuvres, la difficulté avec laquelle la respiration s’établit, le changement subit qui survient dans la circulation de l’enfant expliquent encore comment cet appareil est si souvent ; le siège des congestions sanguines qui varient depuis la simple injection des méningés jusqu’à la véritable apoplexie.

On désigne sous le terme général d’apoplexie des nouveaux-nés plusieurs degrés de congestion cérébrale : et même le plus souvent les enfans qui meurent dans un état apoplectique n’offrent point à l’ouverture du cadavre l’épanchement sanguin ou l’hémorraghie cérébrale très circonscrite qui constitue la maladie que chez les adultes on désigne sous le même nom. Passons donc en revue les lésions diverses qui appartiennent à cette maladie.

L’injection des méninges, de la moelle et du cerveau est si commune chez l’enfant naissant qu’il me semblerait plus juste de la considérer comme un état naturel que comme un état pathologique. On la trouve sur le plus grand nombre de cadavres ; l’injonction vasculaire et même l’épanchement de sang à l’extrémité inférieure et postérieure du rachis sont très-fréquens. Je l’ai souvent observée sans qu’elle ait donné lieu, pendant la vie, à des symptômes appréciables.

Si l’injection est portée trop loin, il ne tarde pas à se faire une exsudation sanguine à la surface des méninges, et le sang, qui est le produit de cette exhalation, ordinairement coagulé en quantité plus ou moins grande, comprime le cerveau ou la moelle épinière et donne lieu à l’état de stupeur et d’abattement qui caractérise l’apoplexie. Cette hémorrhagie extérieure à la masse cérébrale se rencontre presque toujours chez les enfans qu’on dit avoir péri d’apoplexie.

C’est ce que M. Serres appelle apoplexie méningienne, et qu’il attribue à la rupture de quelques-unes des branches vasculaires qui serpentent à la surface du cerveau.

L’injection de la pulpe cérébrale est également assez commune ; elle existe sous forme d’une rougeur pointillée ou sablée, colore quelquefois en un rouge assez prononcé la substance de l’organe, et existe particulièrement sur les parties latérales des corps striés et des couches optiques. C’est là en effet que les vaisseaux du cerveau existent en plus grand nombre et qu’ont lieu le plus habituellement les hémorrhagies et les inflammations cérébrales à toutes les époques de la vie : les travaux de Morgagni et les recherches récentes de MM. Lallemand et Bouillaud (1) ont rendu cette vérité incontestable.

(1) Traité de l’Encéphale ou inflammation du cerveau et de ses suites, etc. Paris, 1825, in 8, Lettres sur les maladies de l’Encéphale et de ses dépendances.

Enfin il est possible, mais il est plus rare de trouver une hémorrhagie cérébrale très circonscrite : je n’en ai rencontré qu’un seul cas. L’enfant était mort le troisième jour après sa naissance, il avait offert les symptômes ordinaires de l’apoplexie. On trouva à l’ouverture du cadavre un épanchement sanguin situé dans l’épaisseur de l’hémisphère gauche sur les parties latérales des corps striés. II n’y avait pas de kyste apparent ; la substance cérébrale était seulement un peu molle dans les points qui environnaient l’épanchement dont l’étendue était d’un pouce de long sur un demi-pouce de large.

2. Ramollissement non inflammatoire.

Il est une lésions propre à l’encéphale des nouveaux-nés, et qui est le résultat évident des congestions de cet organe. Je veux parler d’une espèce de ramollissement local ou général, qui, loin de présenter les caractères de l’inflammation, offre au contraire tous les signes propres à indiquer la décomposition, et l’on pourrait presque dire la putréfaction de l’organe. Je commencerai par en rapporter un exemple.

80ème OBSERVATION.

Alexis Louart, âgé de 5 jours, entre le 18 mai à l’infirmerie. Il est affecté d’un endurcissement général du tissu cellulaire, ses tégumens sont d’un rouge violacé sur toutes les parties du corps ; son cri est étouffé, pénible et par momens très-aigu. Sa poitrine ne retentit qu’obscurément. Il est en outre affecté d’une diarrhée verte très-abondante. Les battemens du cœur sont précipités, mais d’une petitesse extrême. Son état ne change en rien les jours suivans et il meurt le 21 mai.

On trouve à l’autopsie cadavérique l’appareil digestif très injecté dans toute son étendue. Le foie est gorgé, de sang noir et fluide, son tissu est dur et d’une couleur brun ardoisée ; les poumons sont flasques, noirâtres, peu dilatés par l’air et gorgés de sang au bord postérieur.

Les ouvertures fœtales persistent encore ; les méninges sont très-injectées ; la pulpe cérébrale est rougeâtre, réduite en une bouillie floconneuse qui s’écoule de tous côtés lorsqu’on incise l’arachnoïde, et qui répand une odeur d’hydrogène sulfuré très prononcée. Ce ramollissement s’étend jusqu’aux ventricules latéraux où se trouve une assez grande quantité de sang épanché, le reste du cerveau est ramolli et d’une couleur violacée, mais il est loin d’être diffluent et ramolli comme la partie des hémisphères supérieure aux ventricules.

On voit évidemment ici que cette désorganisation générale de la pulpe du cerveau était le résultat de son contact et de son mélange avec le sang épanché dans les ventricules et infiltré dans la substance propre du cerveau. Ce ramollissement remarquable par sa couleur lie de vin et son odeur si prononcée d’hydrogène sulfuré est souvent le résultat du mélangé du sang avec la substance du cerveau ; car il y a presque toujours en même temps une hémorrhagie cérébrale ; mais cette hémorrhagie, lorsqu’elle est récente, peut exister seule, sans que la pulpe du cerveau soit encore ramollie : seulement on observe soit à la partie supérieure des hémisphères, soit, en dehors des corps striés, des points de l’encéphale qui commencent à se ramollir, et qui répandent déjà l’odeur propre à cette désorganisation ; d’un autre côté je suis porté à croire que le ramollissement cérébral petit précéder l’hémorrhagie et peut-même y donner lieu, car je l’ai trouvé plusieurs fois sans épanchement sanguin.

Le ramollissement dont je parle n’existe quelquefois que dans un seul lobe, d’autres fois dans les deux ; très souvent toute la masse cérébrale est ainsi détruite, on ne trouve plus en ouvrant le crâne qu’une bouillie floconneuse, noirâtre el mélangée d’un grand nombre de caillots de sang et de flocons pulpeux.

Un fait très particulier, c’est que les méninges restent toujours étrangères à cette désorganisation, et que malgré une telle destruction de l’encéphale, les enfans vivent encore quelques jours ; il est vrai qu’ils n’ont, comme on le dit vulgairement qu’un souffle de vie, mais enfin ils respirent, crient et peuvent exercer la succion. Cela tient à ce que la désorganisation s’arrête le plus ordinairement aux environs de la moelle allongée, qui reste intacte et qui préside avec la moelle épinière aux phénomènes de la vie qu’elle entretient pendant quelque temps.

J’ai souvent trouvé le ramollissement chez des nouveaux-nés morts presque immédiatement après la naissance, ce qui me portait à croire qu’il avait eu lieu pendant le séjour de l’enfant dans l’utérus.

Lorsque la moelle allongée et la moelle épinière sont ainsi ramollies, l’enfant présente une activité vitale bien moins prononcée ; ses membres sont dans un état complet de flaccidité et d’immobilité ; son cri est tout à fait anéanti, les battemens du cœur sont à peine sensibles ; les membres sont froids, et la déglutition presque impossible. L’enfant ne tarde pas à succomber à cet état de faiblesse, et l’ouverture du cadavre atteste une désorganisation dé tout le centre nerveux, ce qui explique et les symptômes et la mort de l’enfant.

Ce ramollissement est plus fréquent sur les parties latérales des hémisphères et près des corps striés que dans tout autre point du cerveau. Ces symptômes sont d’autant plus graves qu’il est plus étendu et qu’il s’approche davantage delà moelle allongée, son pronostic est très fâcheux ; car la mort me paraît en être la conséquence inévitable.

 

Tel est l’ensemble des lésions que peuvent offrir les degrés et les variétés de la congestion cérébrale chez les nouveaux-nés. Les symptômes sont ordinairement caractérisés par un état d’abattement, de prostration, par la congestion sanguine des tégumens des membres, du tronc et de la face et surtout par les signes propres à la congestion pulmonaire qui accompagne presque toujours celle du cerveau.

Il est difficile chez les jeunes enfans d’observer les effets croisés de l’apoplexie de l’hémisphère droit ou gauche ; car, ainsi que je l’ai dit en parlant du développement du cerveau, cet organe, à l’époque de la naissance, est à peine ébauché, il ne jouit encore ni des formes organiques ni des propriétés vitales qu’il n’acquiert que par suite des progrès de son développement.

Le traitement des congestions cérébrales doit se borner aux évacuations sanguines faites en laissant couler le sang par le cordon ombilical chez l’enfant naissant, ou en lui appliquant deux, trois, ou quatre sangsues à la base du crâne. Il faut éloigner de lui tout ce qui peut exciter et accélérer le mouvement de la circulation.

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