
Les compressions obstétricales tiennent à la fois des manifestations de la commotion et de la compression : les parties liquides et solides, contenues à l’intérieur du crâne fœtal, subissent, à chaque pression ou traction obstétricale, un choc, une réelle commotion, en même temps qu’elles se trouvent plus ou moins comprimées. Il en est de même dans les pressions ou heurts, au passage, contre les saillies du bassin.
ABSTRAIT
A. — Anatomie pathologique.
1. Compressions frontales déterminées par la saillie du promontoire ou derrière la branche de l’arcade pubienne : déformations du crâne en cuiller, on entonnoir, en godet, en gouttière, avec fissures et parfois, saillies de la table interne, épanchements méningés sous-jacents ; rarement attrition de la substance nerveuse.
2. Compressions pariétales, attribuables ordinairement au forceps ; tantôt, déformations crâniennes limitées (comme précédemment, en cuiller, gouttière, etc.) ; mais souvent, disjonctions et chevauchements au niveau dos sutures. Dans les compressions légères ou modérées, épanchements inter-méningés plus ou moins prononcés.
Dans les compressions graves par le forceps, lésions à distance sur la gravité desquelles Couvelaire a appelé récemment l’attention ; suffusions sanguines des méninges molles autour du cervelet et du bulbe ; mais, en plus, ce qui est plus grave encore, foyers hémorragiques multiples de la substance grise du bulbe et de la moelle cervicale. Ces lésions sont comparables à celles que nous avons signalées dans les commotions graves expérimentales (force hydro-dynamique). Hémorragies intra arachnoïdiennes ou ventriculaires, sans fracture du crâne. Hémorragies veineuses traumatiques spontanées obstétricales de Doazan, et de Fochier, chez les prématurés débiles (Couvelaire).
B. — Symptomatologie.
En obstétrique on peut rencontrer toutes les formes de compressions cérébrales que nous avons décrites :
1. Des compressions compensées caractérisées par quelques troubles au moment de la naissance et le cabossage du crâne. Parfois, la déformation persiste purement et simplement, sans aucun trouble : toutefois, peuvent survenir des accidents ultérieurs, tels que convulsions, atrophies, paralysies, etc… ;
2. Des compressions légères : l’enfant, après certains symptômes plus ou moins accentués, se remet dans les jours qui suivent : utilité des ponctions lombaires pour le diagnostic ;
3. Des compressions fortes, avec asphyxie bleue, avec déformation et paralysie d’un côté de la face, et même parfois monoplégie, hémiplégie, plus ou moins durables. Assez souvent séquelles graves, si on n’intervient pas. Dans un certain nombre de ces compressions fortes, une intervention immédiate est nécessaire, pour sauver la vie (Poissard) ;
4. Des compressions mortelles, avec asphyxie blanche : souvent inanité des moyens employés ; à l’autopsie, lésions de Couvelaire.
Compressions obstétricales par épanchements sanguins, parfois retardées après intervalle d’un jour ou deux : phénomènes convulsifs, cyanose, troubles paralytiques progressifs, etc. (cas de Viannay, Socheyron).
C. — Diagnostic.
Les compressions osseuses sont d’un diagnostic facile, puisqu’elles s’observent dons certaines conditions spéciales : accouchements laborieux, application de forceps : dans ces circonstances, procéder toujours à un examen minutieux du crâne. Dans les épanchements sanguins le diagnostic par la ponction lombaire est très précieux, surtout après l’apparition d’une asphyxie bleue, ou dans le cas de convulsions localisées survenant après un intervalle lucide. Diagnostic dans les cas d’hémorragies veineuses de Doazan : période d’atonie et d’hébétude avec pouls ralenti, puis hyperthermie, et enfin apparition de troubles moteurs convulsifs ou paralytiques, symptomatiques d’une compression. Importance de la rachicentèse dans le diagnostic et le traitement de ces diverses variétés d’hémorragies méningées du nouveau-né (Devraigne). Ponction de la fontanelle.
D. — Pronostic.
L’enfoncement osseux non grave en lui-même. L’asphyxie blanche est ordinairement funeste. Dans les compressions à forme cyanotique, parfois une intervention immédiate est nécessaire, pour opérer le redressement osseux, à cause des symptômes menaçants. Tenir compte avant tout de l’état cérébral, plutôt que de l’étendue de la dépression osseuse. Quelques compressions osseuses simples guérissent spontanément ; mais il ne faut pas s’y fier. Statistiques des suites des compressions obstétricales. Mortalité globale d’après Sauter. Suites éloignées des traumatismes obstétricaux, parfois graves à cause des lésions des méninges et du cortex : paralysies, épilepsies, arriérations, etc.
E. — Traitement.
Moyens usités en obstétrique contre l’asphyxie bleue ou blanche. Indications du relèvement d’urgence ou immédiat des fragments enfoncés, pour combattre des symptômes de compression croissants. Enfoncements avec compressions compensées, massage ou pétrissage. Méthode do Munro-Kelliès, par pression à distance. Enfoncements avec compression forte, paralysie faciale corticale, monoplégie, ou hémiplégie ; intervention sanglante immédiate souvent nécessaire. Il en est de même dans les épanchements lorsque les convulsions surviennent après un intervalle lucide. Interventions pour prévenir les accidents lointains (arriérations mentales, paralysies infantiles), surtout après les accouchements difficiles. Indications fournies par la ponction lombaire dans les épanchements interméningés. Méthodes et procédés de rachicentèse chez le nouveau-né. Ponction de la fontanelle antérieure. Méthodes opératoires : procédé de Boissard ; craniotomie temporaire de Cushing, de Seitz, de Channing, G. Singer, de Boston. Injections salines contre le schock opératoire. Cas de Murphy et Torbert.
Les compressions obstétricales nous intéressent particulièrement, parce que les lésions et les phénomènes observés tiennent à la fois, des manifestations de la COMMOTION et de la COMPRESSION. Il nous faut leur consacrer un court chapitre. En effet, elles sont, le plus souvent, le résultat de l’action du FORCEPS et de son application défectueuse : ainsi que le remarque Pinard, on agit aveuglément avec cet instrument, surtout si on se sert du forceps Levret ; l’inconvénient est moindre avec celui de Tarnier.
Il est impossible de se rendre un compte exact des pressions exercées sur la tête du fœtus : elles varient considérablement, selon que les mains de l’opérateur sont placées plus ou moins loin de l’articulation, en raison du croisement des branches (1).
(1) Pinard : Dict. Encyclopédique Art. Forceps. — On conçoit, cependant, qu’une ampoule élastique, dissimulée entre les deux tiges d’une des branches du forceps, en communication avec un manomètre fixé près de la poignée, pourrait fournir quelques renseignements utiles l’opérateur sur le degré de la pression exercée à la surface du crâne fœtal : le dynamomètre renseignerait, en même temps, sur la force de traction.
Il en résulte, qu’à chaque pression, à chaque traction, les parties liquides et solides, contenues à l’intérieur du crâne fœtal, subissent un choc, une réelle commotion, en même temps qu’elles se trouvent plus ou moins comprimées.
Nous verrons, d’ailleurs, par les recherches de Couvelaire, que, dans nombre de cas, les lésions observées à DISTANCE dans les centres encéphaliques, sont tout à fait comparables à celles des commotions expérimentales. Il en est de même d’un certain nombre des symptômes observés.
Lorsque, au contraire, les compressions OBSTETRICALES résultent uniquement d’une pression ou d’un heurt contre les parties saillantes ou rétrécies du bassin, les lésions cranio-encéphaliques restent plutôt localisées, et se rapprochent de celles constatées dans les compressions ordinaires ; il en est de même de leur symptomatologie.
A. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Au point de vue des lésions, les compressions OBSTETRICALES se présentent sous trois formes.
Dans la première, elles sont FRONTALES et déterminées par une saillie osseuse du bassin (ordinairement rétréci) normale ou pathologique : saillie du promontoire : déformation d’une branche de l’arcade pubienne, renversée en dedans, ou exostose. Alors, elles restent souvent LIMITEES.
Dans la seconde, les lésions sont PARIETALES, et le forceps doit principalement être incriminé : il survient, dans un certain nombre de cas, des lésions à distance, dans les centres encéphaliques.
Dans la troisième il s’agit d’une ASSOCIATION de deux ordres de lésions : nous ne ferons que la signaler.
Les compressions FRONTALES consistent, le plus souvent, en une déformation crânienne, se produisant au niveau des bosses frontales, sous forme de dépression en cuiller, dont ordinairement les bords sont mousses et le fond peu accusé : d’entonnoir ou de godet, parfois avec fragments triangulaires multiples ; ou encore de gouttière, avec fissure au fond, au point de jonction des versants, fissure qui peut se limiter à la table interne.
Dans les cas où la fissure est complète, un rebord rugueux, parfaitement perceptible tant que la bosse sanguine n’est pas volumineuse, en dessine les contours. La dépression peut atteindre, parfois, la largeur d’une pièce de 5 francs, ou comprendre une moitié presque entière du frontal.
Dans d’autres cas, l’arcade et la voûte orbitaire sont intéressées ; il en résulte un épanchement orbitaire, et une disgracieuse exophtalmie, et parfois des altérations des membranes du globe oculaire.
Les lésions sous-jacentes aux dépressions osseuses consistent en un épanchement séro-sanguin ou sanguin, sus-dure-mérien, parfois arachnoïdien. Dans les cas où un fragment osseux est pénétrant, et déchire une veine de la surface, il se fait un épanchement pie-mérien, couvrant l’hémisphère, et descendant plus ou moins vers le bulbe.
Rarement, il y a attrition de la substance nerveuse (1).
(1) Ces lésions frontales, se produisent le plus souvent à la suite d’applications du forceps au détroit, supérieur, dans les bassins rétrécis, lorsque le mouvement de rotation de la tête est effectué trop tôt. On perçoit alors une sorte de ressaut, et la tète se dégage aussitôt (Boissard) : c’est la bosse frontale, qui s’est écrasée sur le promontoire.
Les compressions PARIETALES sont ordinairement attribuables au forceps, qui, dans les cas de bassins rétrécis, n’est souvent, comme on l’a dit, qu’un mauvais basiotribe. Tantôt les lésions restent limitées, comme les précédentes, et consistent en des déformations en cuiller, en godet, en gouttière.
Dans les cas les plus graves, il y a chevauchement et disjonction au niveau des sutures sagittales, occipito-pariétales, ou fronto-pariétales : parfois, se produisent en même temps, des fractures perpendiculaires à ces sutures, et s’étendant plus ou moins loin sur la voûte.
Dans les cas prononcés, les lésions sous-jacentes consistent en des épanchements interméningés, plus ou moins prononcés, comme dans les compressions frontales.
Dans les compressions graves par le FORCEPS surviennent des lésions à distance, dont l’importance et le pronostic toujours grave, ont été mis en lumière par les recherches récentes de Couvelaire (2).
(2) Couvelaire : Hémorragies du système nerveux central des nouveau-nés, dans les accouchements terminés par le forceps. Annales de Gynécol. Et d’Obstétrique, 1907, p7.
Sur 213 autopsies de fœtus morts dans son service, en une période de 4 ans, après l’accouchement, si on laisse de côté les prématurés débiles, cet accoucheur, chez des enfants nés à terme et bien développés, dans 9 cas, dont 7 après des applications de forceps, dans des accouchements difficiles, a pu constater des hémorragies bulbo-médullaires.
Du côté du cerveau, on trouvait des épanchements de liquide sanglant, plus ou moins abondants, occupant les fosses moyennes et postérieures du crâne, des suffusions sanguines des méninges molles péri-cérébrales, péri-cérébelleuses, ou péri-bulbo-médullaires ; on constatait en outre, des foyers hémorragiques multiples et bi-latéraux, disséminés dans la substance grise du bulbe et de la moelle cervicale, aussi bien dans les cornes antérieures que dans les cornes postérieures, sur une hauteur variant de 15 à 25 mm.
Souvent, le foyer le plus important était situé en arrière de la corne antérieure et avait de la tendance à fuser dans les cordons latéraux (Voy. Annales de Gynécol. 1907, fig. 1, 2, 3, p. 15). Le canal épendymaire ou central contenait rarement du sang. Dans un cas, le 4ème ventricule, dont la paroi postéro-inférieure était effondrée, était rempli par un véritable hématome.
Dans un autre cas, particulièrement grave (tête volumineuse fixée au détroit supérieur rétréci, tractions pendant 7 minutes, enfant de 3.600 gr.), au moment de l’extraction, le cœur battait encore ; mais, l’enfant ne put être ranimé. A l’autopsie, on trouva, outre un éclatement des sutures sagittales et occipito-pariétales, témoignant de l’intensité et de l’involontaire réduction expérimentale, une abondante hémorragie, occupant la cavité arachnoïdienne sur toute la hauteur de l’axe cérébro-spinal. Des hémorragies interstitielles infiltrant la moelle cervicale et les deux tiers inférieurs du bulbe. De plus le cervelet était le siège d’hémorragies interstitielles, bi-latérales, prédominant dans les amygdales, et la partie la plus déclive des hémisphères cérébelleux (Voy. Annales de Gynecol. 1907, fig. 10, il, 12, 13, p. 16 et 17, et fig. 18, p. 20).
La topographie et l’étendue de ces lésions bulbo-médullaires sont tout à fait comparables, aux altérations que nous avons constatées dans les mêmes régions du névraxe, à la suite de chocs crâniens, ayant déterminé une violente commotion (Expériences de 1878. Voy. pl. XVII, XVIII, XÏX, etc.).
Ces diverses lésions obstétricales démontrent que les centres encéphaliques ont été victimes d’un choc brusque, instantané, comme dans la COMMOTION, et qu’il y a eu mise en jeu des forces vives intérieures de la cavité cranio-rachidienne, principalement de la force hydro-dynamique.
Il est logique également d’admettre en raison du siège particulier des lésions bulbo-cervicales, que sous l’influence de l’abaissement du crâne, très flexible du fœtus, entre les branches du FORCEPS, et de l’expression cérébrale qui s’en suit, il s’est produit une sorte de barrage ou de bloquement, au voisinage du collet du bulbe, selon les constatations expérimentales de Pagenstecher, de L. Hill, et les nôtres, et que la gêne de l’afflux du liquide céphalo-rachidien et du sang du crâne, vers la cavité rachidienne, a occasionné les apoplexies capillaires et les foyers sanguins, observés dans la substance grise bulbo-cervicale.
L’attrition directe de la substance cérébrale par le forceps, serait assez rare, d’après Couvelaire. Cet auteur cite pourtant un cas, où, dans une pression du forceps, sur la partie postérieure du crâne, on constata une disjonction en arrière de la suture sagittale, avec deux fractures perpendiculaires à cette suture. La cavité arachnoïdienne renfermait du sang liquide dans les fosses cérébrales postérieures, des infiltrations au niveau des lobes temporo-occipitaux, et une attrition hémorragique de la substance grise et de la substance blanche de la partie postérieure du lobe occipital, au-dessus du cunœus.
Peut-on dans les compressions OBSTETRICALES observer des épanchements inter-méningés ou intra-cérébraux, sans fracture du crâne ?
D’après les résultats des ponctions lombaires, le fait paraît absolument certain, et non rare.
Dans plusieurs observations de la thèse de Dutreix, où, après les ponctions lombaires, les enfants avaient succombé, quoique n’ayant pas de fracture du crâne, on constata, à l’autopsie, des hémorragies intra-arachnoïdiennes, et même, intra-ventriculaires.
Le Dr Doazan a appelé l’attention sur les hémorragies d’origine veineuse chez le nouveau-né, même en dehors de tout traumatisme obstétrical, par faiblesse congénitale vasculaire (hérédo-alcoolisme, hérédo-syphilis, hérédo-saturnisme, prématurité des dégénérés).
Mais, d’après lui et nombre d’auteurs, les accouchements prolongés, le passage lent à travers la filière pelvienne, l’extraction tête dernière par manœuvres internes, même sans application de forceps, sans fracture, sans compression violente, peuvent amener une rupture des veines cérébrales.
Il suffirait même de l’asphyxie par compression thoracique prolongée au moment du passage, et du reflux du sang veineux qu’elle détermine. L’hémorragie méningée est alors le résultat de l’excès de tension sanguine.
Enfin, il y aurait une dystocie des têtes molles, papyracées, bien étudiée par Fochier, têtes qui s’orientent mal au moment de la rotation pelvienne, ne protègent pas les parties contenues, et qui favorisent grandement les déchirures veineuses intracrâniennes.
Il y aurait donc un groupe d’hémorragies méningées veineuses SPONTANEES, en regard du groupe des hémorragies traumatiques. Il y a d’ailleurs plus d’une corrélation entre les deux groupes.
D’après Lance-Carmichaël, les veines cérébrales, sous la pie-mère, suivent un trajet sinueux, avant d’aborder le sinus longitudinal supérieur, souvent déplacé d’un côté ; au voisinage de leur abouchement, elles sont mal protégées, fragiles.
Le chevauchement physiologique, graduel, normal des os du crâne fœtal, peut s’opérer sans dégâts. Mais il n’en est pas de même du chevauchement pathologique, brusque, par exemple à la suite d’applications de forceps, un peu fortes et prolongées.
Dans ce dernier cas, les veines peuvent être déchirées ; ainsi est créée une hémorragie méningée, sans aucun traumatisme apparent des os du crâne (1).
(1) Dr Doazan : Etiologie, Symptômes et Traitement chirurgical des hémorragies méningées du nouveau-né. Arch. gén. de Chir., Janvier 1918, p10.
Ajoutons, pour être complet, que Couvelaire signale, d’autre part, la fréquence des hémorragies dans les hémisphères et les ventricules, chez les prématurés débiles, qui succombent. Il en est de même toutes les fois que, pour une cause pathologique d’origine constitutionnelle ou infectieuse, les parois vasculaires ont présenté des altérations congénitales (hérédo-syphilis en particulier). Couvelaire et Herbécourt en ont rapporté des exemples caractéristiques.
B. — SYMPTOMATOLOGIE.
Dans les compressions OBSTETRICALES, on peut observer toutes les formes de COMPRESSION CEREBRALE que nous avons signalées : compressions compensées, légères, fortes, graves, et mortelles ; compressions par épanchements sanguins avec intervalle lucide, etc.
Les compressions COMPENSEES ou LATENTES se rencontrent chez des enfants qui, au moment de la naissance, ont présenté quelques troubles, vite disparus : gène de la respiration, stupeur, état asphyxique, etc. ; mais, aisément ranimés ; ils se montrent vigoureux et tètent bien ; leur développement s’effectue ensuite normalement. On constate une dépression frontale ou pariétale, le plus souvent en cuiller, une sorte de cabossage du crâne, qui, dans nombre de cas, disparaît peu à peu, dans les jours ou les semaines qui suivent : parfois l’enfoncement se relève tout d’un coup, et spontanément, surtout quand l’ossification n’est pas trop avancée.
Parfois l’enfoncement persiste purement et simplement, sans aucun trouble. On trouvera, dans les thèses de Prudhomme, Serval, Gabeleau, etc, de nombreux faits de ce genre (1).
(1) Prudhomme. Th. Toulouse, 1900. — Serval. Th. Lyon, 1900-1901. Gabeleau. Th. Lyon 1909
Ils expliquent l’optimisme de Pajot et des accoucheurs anciens, qui conseillaient l’expectation. Mais, d’autre part, il est des cas, où les suites sont moins favorables : on a vu survenir ultérieurement des crises convulsives, des paralysies, des atrophies, de l’arrêt de développement et même de l’idiotie, si les dépressions étaient étendues.
Les compressions LEGERES s’observent chez des enfants, qui, après des troubles du début plus ou moins accentués, se sont remis, et semblent prendre facilement le sein ; mais, peu à peu, dans les jours qui suivent, surviennent des phénomènes d’excitation méningo-corticale : agitation, cris, et parfois : convulsions et paralysies.
La ponction lombaire peut révéler l’existence d’un liquide séro-sanguinolent. Puis, soit spontanément, soit grâce à une intervention, compression et excitation disparaissent, et avec elles, les symptômes qu’elles avaient engendrés.
Les compressions FORTES sont assez fréquentes. L’enfant naît en état de mort apparente ; il est cyanosé (asphyxie bleue : le crâne, la face, les mains et les pieds apparaissent comme s’ils avaient été plongés dans une teinture violacée, noirâtre, lie de vin, etc.) ; il ne crie pas, ne s’agite pas. Le cœur bat, mais faiblement ; la respiration est lente, irrégulière. Il y a de l’hypothermie.
Souvent, un côté de la face est paralysé ; l’œil, du même côté, est largement ouvert, et ne peut se fermer : il existe de l’exorbitisme. La figure est grimaçante et les traits déviés du côté sain. On peut, parfois, constater en même temps, une hémiplégie, ou une monoplégie brachio-faciale.
Sous l’influence des excitations de toutes sortes, qu’on lui prodigue, l’enfant revient à lui, pousse des cris faibles d’abord, puis de plus vigoureux. Incapable, les premières heures, de prendre le sein, il se met ensuite à téter peu à peu : les mouvements de déglutition d’abord pénibles, deviennent normaux ; et, dans les cas heureux, tout semble rentrer dans l’ordre. Mais, assez souvent persistent quelques paralysies, quelques troubles cérébraux, qui finissent par acquérir de la gravité, si on n’intervient pas.
Ces troubles sont l’origine de ces paralysies infantiles avec atrophie, arrêt de développement, et parfois idiotie, dont on rencontre des exemples chez les enfants porteurs d’une dépression crânienne.
Dans d’autres circonstances, les compressions FORTES semblent devoir se terminer par la mort, si une intervention immédiate ne vient pas sauver les enfants. Il en était ainsi dans les faits de Tapret, Boissard, etc.
Dans le fait de Boissard, l’enfant ne donnait aucun signe de vie, Il existait un enfoncement de toute la moitié gauche du frontal, dont le bord chevauchait au-dessus du pariétal ; la face était asymétrique, il y avait une exophtalmie très prononcée et une ecchymose de la conjonctive. Par l’insufflation, on parvint à amener deux ou trois pulsations cardiaques, de loin en loin. Boissard incisa la suture fronto-pariétale, au-dessus de l’enfoncement, qu’il redressa à l’aide d’une sonde cannelée, prudemment introduite entre l’os et la dure-mère. L’enfant aussitôt se mit à respirer, poussa quelques cris, en agitant ses membres. Il se rétablit complètement (Boissard. Note et observations cliniques, Paris, 1892)
Les compressions graves ou mortelles répondent, sans aucun doute, à ces faits décrits par Couvelaire, dans lesquels on constate, à l’autopsie, des lésions bulbo-médullaires (hémorragies de la substance grise, etc.).
Les enfants naissent en état d’asphyxie BLANCHE, absolument froids ; et rien ne parvient à les ranimer. Les lésions bulbaires expliquent aisément l’impuissance définitive des centres cardiaques et respiratoires ; et l’inanité de tous les moyens d’excitation employés pour les ranimer.
Dans les compressions par EPANCHEMENTS SANGUINS, le tableau clinique est différent des précédents. Si l’hémorragie méningée est immédiate et abondante, les enfants, au moment de la naissance, sont en état d’asphyxie BLEUE. Les efforts faits pour les ranimer, ne donnent lieu qu’à quelques mouvements respiratoires, superficiels, et peu intenses, à quelques battements cardiaques ; et bientôt, la mort survient définitivement.
Dans des cas assez nombreux, l’hémorragie se produit CONSÉCUTIVEMENT, ou tout au moins, ne s’accuse qu’après quelques temps.
L’enfant est venu au monde en criant, bien qu’il porte une dépression crânienne. Il se montre vigoureux, prend bien le sein, déglutit normalement. Mais, dès le lendemain, ou dès le troisième jour, les cris deviennent moins aigus, les mouvements de succion pénibles ; il déglutit difficilement, et le lait coule le long des commissures labiales inertes ; l’une des moitiés de la face est paralysée ; l’œil ne peut plus se fermer, reste constamment ouvert, donnant à l’enfant un aspect lugubre.
Alors, apparaissent des phénomènes convulsifs, qui agitent plusieurs fois son petit corps. Il devient cyanosé. Les phénomènes paralytiques progressent ; et, en trois ou quatre jours, une hémiplégie complète est constituée. C’est alors que l’enfant meurt subitement, entre deux crises, la plupart du temps, ou au milieu des mouvements convulsifs. Dans un cas récent de Vianney, l’enfant au lendemain de sa naissance, après un accouchement au forceps pour bassin rétréci, présentait un enfoncement de tonte la moitié gauche du frontal, sans plaie, ni excoriation. Quelques mouvements convulsifs avaient été remarqués dans le bras droit, lorsque, le lendemain matin, les convulsions augmentèrent de fréquence et d’intensité, avec tendance nette à se généraliser. Considérant que l’indication était formelle, Vianney, après avoir fait une brèche suffisante au davier-gouge, fit le relèvement avec des ciseaux courbés. Il existait un hématome extra-dural, qui fût évacué (Vianney. Loire médicale, 1912, p147, et Jour. de Chir., 1912, II. p108.)
Dans le cas de Secheyron, « l’enfant, d’abord tète avec facilité ; mais, les jours qui suivent, la nourrice se plaint que son nourrisson s’endort au sein, qu’il crie à peine ; que ses cris sont plaintifs et reviennent avec insistance. Elle a surpris quelques mouvements convulsifs au bras droit, du côté opposé à l’enfoncement (dépression pariétale) ; il n’est pas paralysé ; mais, il retombe plus lourdement que le gauche. L’intervention est proposée et acceptée ; et, trois jours après la naissance, à l’aide d’une curette mousse, Secheyron relève l’enfoncement. Au moment de l’ouverture osseuse, un liquide séreux, un peu sanguinolent, s’écoule. Guérison » (Secheyron. Trav. neurol, de Chipault, 1898, III, p50.)
C. — DIAGNOSTIC.
Les compressions osseuses OBSTETRICALES sont, en général, d’un diagnostic facile, puisqu’elles s’observent surtout dans les accouchements difficiles avec rétrécissement du bassin, ankylosés sacro-iliaque ou fémorale, déformations pelviennes, à la suite de laborieuses applications de forceps au détroit supérieur, et enfin dans les extractions, tête dernière.
On devra toujours, dans ces circonstances, procéder à un examen minutieux du crâne, même quand les troubles fonctionnels de compression n’auront pas appelé l’attention de l’accoucheur, dès le début.
Parfois, les FRACTURES se reconnaîtront difficilement ; mais, dans les déformations en godet, gouttière, ou entonnoir, la palpation des bords rugueux, la crépitation osseuse ou parcheminée, pourront faciliter le diagnostic, malgré le gonflement.
Il est plus important, peut-être, et plus difficile de reconnaître les EPANCHEMENTS SANGUINS, qui jouent un rôle si actif dans l’évolution, et souvent favorisent la terminaison fatale.
Il existe cependant un excellent moyen de les découvrir: la PONCTION LOMBAIRE, dont la valeur, dans les hémorragies méningées du nouveau-né, a été mise en lumière, il y a quelques années, par Devraigne et son élève Dutreix (1).
(1) Devraigne. Soc. Obstétricale, 9 Avril 19o4. Dutreix : La ponction lombaire dans le diagnostic et le traitement de l’hémorragie méningée, chez le nouveau-né. Th. Paris, 1905.
On devra soupçonner l’existence d’une hémorragie méningée d’emblée, chez le nouveau-né, dans les cas d’apoplexie bleue, avec cyanose foncée, lie de vin, localisée surtout aux téguments de la face et du crâne, et parfois, aux membres supérieurs.
Si elle ne se produit que les jours suivants, après un intervalle lucide, on en sera averti par des convulsions, localisées à la face, aux yeux, ou aux membres, parfois fugaces, répétées, avec tremblements épileptiformes. Dans certains cas, on observera des paralysies ou des contractures, une déviation de la tête et des yeux.
Si l’enfant est commotionné, il poussera de petites plaintes brèves ; ses yeux resteront clos, et les réflexes seront très exagérés. Souvent, en même temps, on constatera une élévation de température jusqu’à 38° à 39° (Bonnaire).
Dans l’hématorachis, on observera de la raideur de la nuque, du trismus, et de la dysphagie.
Ballance s’exprime ainsi sur les symptômes des hémorragies intracrâniennes chez le nouveau-né ; elles amènent souvent une asphyxie après la naissance : ses symptômes sont flous ; les fontanelles ne sont plus pulsatiles ; il survient des convulsions; la pupille est immobile du côté atteint ; la respiration est irrégulière, le pouls faible ; fièvre, et souvent mort rapide (Ballance. Lancet, 21 Décembre 1907.) Le Dr Doazan dans les cas d’hémorragie veineuse sans dépression osseuse, appelle l’attention sur cet état d’atonie et d’hébétude, que présentent certains enfants, à qui on ne peut arriver à faire prendre le sein, après qu’on les a réanimés et sortis de l’asphyxie, ou alors même qu’ils sont en bon état apparent. Après 4 à 5 jours, surviennent brusquement des signes de compression cérébrale qui s’annoncent par une crise d’épilepsie Jacksonnienne, ou progressivement par des raideurs, des tremblements, des convulsions. Si on les examine attentivement, pendant la période d’atonie, et d’hébétude, on observe que le pouls est ralenti, à 100 ou 90 ; on produit aisément la raie méningitique vaso-motrice ; et on remarque, que parfois, la respiration est rapide, superficielle, irrégulière. Il survient de l’hyperthermie due à la résorption hémolytique de Froin (intoxication hématique).
Ce sont là des symptômes prémonitoires ou d’avertissement.
En somme, ils correspondent à la période de l’intervalle lucide ou libre des épanchements sanguins intracrâniens.
Si l’épanchement recouvre la région rolandique, on verra apparaître ensuite des troubles moteurs : monoplégies, secousses, convulsions localisées, etc…, et enfin, l’enfant tombera dans le coma.
Si, au contraire, les troubles s’atténuent d’eux-mêmes, il y aura à craindre les séquelles de l’épanchement tels : un arrêt de développement intellectuel, les crises d’épilepsie, des hémiplégies ou paraplégies spasmodiques de l’enfant, une maladie de Little, de la surdité, du strabisme, du torticolis, des pieds bots, des troubles du langage, etc. (1)
(1) Doazan. Arch. Gén. De Chir. 1913, p140.
La ponction LOMBAIRE, chez le nouveau-né, faite selon les indications de Devraigne, joue un rôle doublement important, dans les hémorragies méningées : car elle est utilisable, à la fois, pour le diagnostic et le traitement.
Si elle est positive, c’est-à-dire si elle donne un liquide sanglant ou rose, ou même jaune-verdâtre, dans lequel le microscope révèle des globules rouges, elle permet d’affirmer une hémorragie méningée : le liquide jaunâtre indique qu’elle est en voie de résorption.
La ponction lombaire négative n’exclut pourtant pas complètement le diagnostic d’hémorragie méningée, car, dans les épanchements sus-dure-mériens, pie-mériens, ou même intracérébraux, elle peut fournir un liquide clair. Alors on ne pourra se guider que sur les symptômes nerveux des épanchements méningés.
La ponction de la fontanelle antérieure, ainsi que Gilles l’a préconisée, est un bon moyen de diagnostic et parfois de traitement. On l’utilisera surtout dans les cas, où la ponction lombaire sera fruste ou incertaine, soit que l’épanchement ait été extra-duremérien ou intracérébral, soit, pour toute autre cause, lorsqu’on constatera que les fontanelles sont distendues et immobiles.
Après asepsie, on enfonce l’aiguille de Pravaz, à 5 ou 6 mm de profondeur, dans l’angle fronto-pariétal ou externe de la fontanelle antérieure, à distance ainsi du sinus longitudinal.
Une aspiration, très prudente, provoque l’issue d’un liquide franchement sanguin, si on est tombé en plein foyer hémorragique ; et, il survient du relâchement, de la fontanelle (1).
(1) in Doazan, loc.cit,., p. 19.
D. — PRONOSTIC.
Le pronostic de l’enfoncement osseux, en lui-même, n’est pas grave, chez le fœtus, surtout dans les formes compensées ; mais, même dans ce cas, il peut avoir des effets lointains, dont nous aurons à parler.
Ce sont principalement les lésions méningo-encéphaliques qui ont de l’importance.
Dans les compressions encéphaliques à asphyxie blanche, en raison des lésions bulbo-médullaires, la terminaison est fatale, et l’état des choses irrémédiable. S’il s’agit d’une compression à forme cyanotique, un peu accentuée, parfois l’intervention opératoire immédiate est nécessaire.
Si l’on parvient à rétablir la respiration et la circulation par les moyens ordinaires, et ensuite, à redresser manuellement l’enfoncement, le pronostic est ordinairement favorable : mais il importe, les premiers jours, de faire quelques réserves, en raison de l’apparition possible d’une hémorragie méningée retardée. Ce ne sont pas toujours les formes les plus graves de dépression osseuse, qui comportent le plus mauvais pronostic.
Sauvel cite l’observation d’un enfant venu en état de mort apparente, et qui ne revint à lui qu’après 20 minutes d’excitations énergiques : il existait une fracture en étoile avec fragments mobiles, exorbitisme, cornée opaline, etc., c’est-à-dire, un état grave pendant les deux premiers jours. Il guérit complètement, cependant, avec un peu d’asymétrie faciale.
Au contraire, dans un autre cas, l’enfant avait une dépression en cuiller, peu profonde; et il fut vite ranimé. Il semblait se bien développer, quand, trois semaines après, il fut pris de crises convulsives généralisées, avec prédominance du côté opposé à l’enfoncement ; et il mourut.
Un troisième enfant, qui avait une dépression en godet, et paraissait vigoureux, ne présentant aucun phénomène nerveux; mais, trois jours après sa naissance, il mourut subitement, dans sa couveuse, une demi-heure après avoir pris le sein.
Les premiers jours, il sera toujours prudent de tenir compte de l’état cérébral ; et, en cas de gravité croissante, il faudra craindre une crise fatale ; c’est dans ces circonstances surtout que les ponctions lombaires peuvent rendre service, en améliorant les choses jusqu’à la guérison, ou en permettant à l’opérateur, d’intervenir opportunément.
Il est bon nombre de compressions osseuses simples, qui guérissent spontanément, sans aucune suite lointaine grave.
Il arrive, ainsi que l’ont indiqué Pajot, Dubois, Mme La Chapelle, que l’expansion cérébrale suffise à redresser l’os ; ou on obtient ce résultat par les manipulations. Enfin, l’enfoncement peut persister sans troubles. Ossiander a vu un médecin, accouché au forceps, qui présentait une dépression occipitale et frontale. Sauvel, Galichon, citent des cas comparables.
Les statistiques fournissent des résultats variables. Schroeder, sur 65 cas, compte 22 enfants mort-nés ; 10 moururent peu après ; 33 survécurent. Ramstold au contraire, a des chiffres plus sévères : sur 33 cas, 22 mort-nés ; 11 moururent après 6 heures ou plus. Bourret, dans une statistique plus récente (il ne s’agit que du pronostic éloigné) : sur 35 cas, on compte 7 morts assez rapides, quoique non immédiates, en rapport cependant, avec le traumatisme crânien ; 3 cas, où le développement ultérieur de l’individu fut influencé ; 21 cas, où l’enfant a été vu à un âge assez avancé, sans aucun accident (1).
(1) Bourret. Pronostic fœtal éloigne des interventions obstétricales. Th. Lyon, 1907-1908.
Sauter (Obstétrique 1900, p. 551) évalue la mortalité, dans les cas non traités à 50%. Ce sont là des chiffres susceptibles de faire réfléchir, et qui justifient, selon nous, les indications de l’intervention, soit immédiate, dans les cas pressants, soit différée.
Ajoutons que Wulf, par l’examen de 1.436 idiots des deux sexes, a constaté que, dans 43% des cas, les traumatismes céphaliques intra-utérins, au moment de l’accouchement, avaient joué un rôle important (1).
(1) Wulf. Allg. Zeit. f. Psychinatrie, XLIX, p1-2. et Arch. de Neurol., 1893, 11, p50.
Baboneix, plus récemment, a établi que, dans les traumatismes obstétricaux, la stase veineuse, qui apparaît à l’extérieur, sous forme de cyanose des téguments, détermine à l’intérieur, des hémorragies pie-mériennes, qui déchirent une partie plus ou moins considérable du tissu nerveux sous-jacent, et conditionnent la substitution aux éléments nerveux, d’une vulgaire cicatrice névroglique. Ces lésions sont l’origine des hémiplégies et diplégies cérébrales infantiles, de l’épilepsie, des mouvements athétosiques, et aussi des troubles intellectuels : arriération mentale, imbécillité, idiotie (2).
(2) Baboneix Gaz. des Hôp., 119 bis, 1909, et Rev. Neurol., 1910, 11, p449.
Ces graves constatations montrent péremptoirement qu’il faut attacher plus d’importance aux compressions obstétricales, qu’on ne le fait généralement.
E. — TRAITEMENT.
Nous ne parlerons pas des moyens usités en obstétrique, pour ranimer les enfants, qui naissent en état d’asphyxie blanche ou bleue : ils sont connus. Nous devons insister sur ce point : qu’il est des cas pressants, où, comme dans le fait de Boissard, on ne réussit pas à ramener les enfants à la vie, si d’urgence, on ne pratique pas le relèvement des fragments, c’est-à-dire où l’intervention immédiate s’impose.
C’est quand à la suite d’applications de forceps, dans les cas graves, s’ajoutent aux symptômes de COMPRESSION ceux de COMMOTIONS répétées, dues aux resserrements involontaires des branches du forceps. Alors les petits nouveau-nés sont dans la situation de ces animaux épuisés par des charges de poids successives, dont Kocher et ses collaborateurs parlent dans leurs expériences : pour la moindre pression surajoutée, la respiration se suspend ; le pouls, d’abord ralenti, prend le caractère du pouls de paralysie vague et devient petit, rapide, irrégulier.
Or, dans les compressions OBSTETRICALES dont il est question, la dépression osseuse joue le rôle d’une dernière surcharge ; le cerveau ne peut reprendre son expansion, en raison de l’affaiblissement et de la déséquilibration des centres bulbaires.
Si, au contraire, on supprime l’obstacle, l’irrigation du bulbe se rétablit ; et, les mouvements cardiaques et respiratoires deviennent réguliers.
D’une manière générale, les indications nous paraissent être les suivantes, dans les diverses formes et degrés des compressions OBSTETRICALES :
1. Dans les enfoncements COMPENSES, légers, en forme de cuiller, sans fracture osseuse et sans symptômes cérébraux, on pourra s’abstenir, ou recourir, avec prudence, au redressement manuel. Si l’on s’abstient, il pourra arriver que le redressement s’opère de lui-même, peu à peu, les jours suivants, par suite de l’expansion du cerveau.
Celui-ci d’ailleurs peut s’accommoder, reculer devant la saillie, en raison de la mobilité des sutures et fontanelles.
Le massage ou pétrissage pourra se faire doucement sur le pourtour de la dépression (Bar, Maygrier), ou en appuyant légèrement sur les bords, comme on le ferait, pour faire disparaître une bosse, dans un ballon de celluloïd (Fochier).
Dans le procédé de Munro-Kerr, aux extrémités du diamètre occipito-frontal ou selon un diamètre oblique, ou encore aux deux extrémités du long diamètre de l’enfoncement on exerce une pression à distance. « L’enfoncement se redresse avec un bruit semblable à celui qui serait causé, par le redressement du cabossage dans un chapeau rigide » (1)
(1) Munro-Kerr. Brit. Med. Journ., 1901.
On s’abstiendra complètement, en cas de fractures simples, sans enfoncement, car les progrès de l’ossification en souderont les bords.
De même, dans les enfoncements qui siègent près des bords des os, dans une région souple et peu ossifiée, ou au confluent de plusieurs sutures, près de l’angle ptérique du pariétal : là, en effet, le tissu osseux est très malléable ; et le redressement spontané s’opère facilement.
2. Dans les compressions FORTES, avec enfoncement large et profond, mais sans fracture, plusieurs indications pourront se présenter. Si, immédiatement après la naissance, comme dans les cas de Boissard et autres, les moyens ordinaires usités pour ranimer l’enfant ne suffisent pas, ou paraissent peu efficaces, c’est à une intervention sanglante immédiate, qu’il faudra avoir recours.
Si le lendemain ou les jours suivants, on constate une paralysie faciale d’origine corticale, une monoplégie ou hémiplégie, il sera préférable d’opérer sans tarder le redressement, et de faire cesser les symptômes de compression.
C’est d’ailleurs la règle, en chirurgie cranio-cérébrale, lorsque existent des symptômes précis de localisation. Il faudra, lorsqu’à la suite d’un enfoncement, les premières heures et les premiers jours se passent bien, se garder d’un optimisme exagéré : on pensera à la formation possible d’un épanchement sanguin, après intervalle lucide. Cet épanchement sera souvent annoncé par des symptômes d’irritation corticale (syndrome cortico-méningé), par des convulsions. L’enfant, qui, les premiers temps, tétait avec facilité, s’endort au sein, pousse de petits cris plaintifs, qui reviennent avec insistance ; puis, on surprend quelques mouvements convulsifs, dans la face, dans un bras, qui n’est pas encore paralysé, mais retombe plus inerte que celui du côté opposé. Puis les secousses augmentent de fréquence et d’intensité, et ont de la tendance à.se généraliser (faits de Secheyron, Vianney, etc.).
Il ne faut pas attendre les crises de convulsions généralisées ; il faut intervenir, sans tarder. On verra alors s’écouler, au moment de l’ouverture du crâne, un liquide séro-sanguinolent ou du sang pur, constituant l’épanchement sous-osseux.
Il y a donc, en résumé, trois motifs d’intervention :
1. Pour l’intervention immédiate, la persistance des symptômes généraux de compression, malgré les moyens d’excitation employés ; 2. L’apparition de paralysies d’origine corticale, dans les premiers jours ; 3. Les convulsions, après intervalle lucide, indices d’épanchement méningé.
Certains auteurs veulent d’ailleurs qu’on intervienne, après l’accouchement, toutes les fois qu’on est en présence d’un enfoncement large et profond, dans le seul but d’éviter des symptômes lointains, d’ailleurs assez fréquents.
D’après ce que nous avons dit des recherches de Wulf et Baboneix sur les paralysies infantiles d’origine obstétricale, et sur les cas d’arriération de l’intelligence, après certains accouchements laborieux au forceps, on conçoit que l’étendue et la profondeur de la dépression justifient pleinement une intervention sanglante, qui, d’un coup, débarrasse l’enfant des accidents immédiats, et des séquelles graves qui le menacent. Toutefois, il ne paraît pas nécessaire, que toujours celle-ci soit absolument immédiate : on pourra parfois différer de quelques heures ou d’un jour ou deux.
Enfin, les indications fournies par la ponction lombaire, lorsqu’elle est positive, c’est-à-dire lorsque le liquide retiré est sanguinolent, rosé ou jaunâtre, surtout si, après centrifugation, on rencontre au microscope de nombreuses hématies, devront entrer en ligne de compte pour la détermination à prendre.
Ajoutons que, dans un certain nombre de cas, la ponction lombaire pourra être CURATIVE.
Bonnaire, Budin, Devraigne ont relaté des faits, où, après un accouchement laborieux au forceps, l’enfant présenta de la raideur de la nuque, des convulsions, de l’hyperthermie, sans que, d’autre part, il y eut un enfoncement. Les ponctions lombaires ramenèrent un liquide sanglant : elles furent répétées plusieurs fois, et le liquide redevint clair ; les enfants guérirent complètement.
Dans certains cas, où le traitement ne réussit pas à sauver l’enfant, on constata à l’autopsie, d’abondantes hémorragies méningées ; et dans les cas les plus graves, on trouve en même temps, un hématorachis avec hématomyélie, et parfois effondrement et hémorragie du plafond des ventricules latéraux (Dutreix) (1).
(1) Dutreix. Th. 1905 p69, obs. I à VI.
Ces faits ne laissent prise à aucun doute ; on se trouvait, dans ces cas graves, en présence d’hémorragies méningées post-partum, par COMPRESSION, et COMMOTION cérébrales, causées par le forceps. Sur cinq cas de ponctions lombaires pour hémorragies du névraxe, après l’accouchement, Dutreix mentionne trois guérisons ; d’autres résultats heureux analogues ont été obtenus par Jeannin et autres.
La méthode à suivre pour la rachicentèse chez le nouveau-né, se résume ainsi : après repérage, la ponction se fait dans le 4ème espace lombaire, avec une aiguille de 4 cm de longueur et de 1 mm de diamètre, munie d’un fil d’argent. On enfonce l’aiguille de 18 mm environ, jusqu’à ce qu’on ait une sensation de liberté ; on retire le fil d’argent, et le liquide s’écoule. La quantité de liquide, qu’il convient d’extraire est de 3 à 5 cc.
La ponction de la, fontanelle antérieure, selon le mode utilisé par Gilles (de Toulouse), pourra aussi être employée au point de vue diagnostique et thérapeutique. Par une ou plusieurs ponctions, on pourra extraire quelques grammes de sang, si l’on tombe dans le foyer ; la fontanelle cessera alors d’être distendue et reprendra ses battements. Dans un cas (grossesse gémellaire), Gilles réussit à faire cesser les crises convulsives et la tension intra-cérébrale (1).
(1) Gilles. Rev. d’Obst. et Gyn. et Pédiatrie, Juillet 1912.
MÉTHODES OPÉRATOIRES.
Nous laisserons de côté le relèvement de la dépression avec le tire-fond, bien que Tapret ait obtenu un succès et Baumin 2 succès sur 4 cas ; la méthode est dangereuse.
Procédé de BOISSARD.
Boissard, le premier, en 1892, fit le redressement sanglant d’un enfoncement frontal, dans un cas d’urgence, à l’aide d’une sonde cannelée, introduite entre l’os et la dure-mère. Secheyron, en 1895, fit un redressement pariétal avec des ciseaux courbes. Vollard, Commandeur, Potocki, Brin, Fabre, Guillet, Jeanings, Vianney, etc., obtinrent d’heureux résultats (2).
(2) Boissard. Notes et observations cliniques, Paris, 1892. — Secheyron. Trav. Prat. de Neurologie de Chipault, III, p. 5o, 1898. — Villard et Pinatelle. Ann. de Gyn. et d’Obst., 1902, p. 223. –Commandeur. L’Obstétrique, 1908, p. 5/|0, et th. Galichon, Lyon, 1909. — Potocki. Soc. d’Obstétrique, 1908. —Fabre. Lyon Méd., 1904. — Guillet. L’Obstétrique, 1904. — Jeanings. New-York Méd., 1894. — Schnelle Remy. Soc. de Méd. de Nancy, Juillet 1908. — Brin. Arch. de Méd. d’Angers, Juin 1909. — Torbert. The Boston Méd. Journ., 22 Avril 1909. — Slocker. Rivista di Med. d. Chir. prat., 3o Août 1909.— Planche et Groisier. Soc. de Méd. de Lyon, 24 Janvier 1910. — Goshen. The Brit. Méd. Journ., 3o Avril 1910. — Salommons. Acad. Roy. de Méd. d’Irlande, Septembre 1910. — Fabroni. Arch. J. de Gyn., 1908, p. ipS. — Vianney. Loire Méd., 1912, p. 147, et Journ. de Chir., 1912, II, p. i58. —Chenning, G. Simmons. Boston Méd. and Surg. Journ., 11 Janvier 1912. —Ribierre et Martin. Congr. de Méd. lég., 1912.
Dans son procédé, applicable surtout aux enfoncements frontaux, BOISSARD fait une incision du cuir chevelu sur la suture fronto-pariétale, à 3 cm de la fontanelle antérieure, de façon à éviter le sinus longitudinal ; cette incision est à cheval sur le frontal et le pariétal. On met à nu les bords de ces deux os ; puis, perpendiculairement à la première incision, sur une longueur de 1 centimètre, on coupe la lame fibreuse qui unit les deux os (en grattant pour ainsi dire, le rebord de l’os). Ensuite, on introduit, par cette ouverture, une sonde cannelée, légèrement courbe, se dirigeant vers le point de renfoncement, et ne perdant jamais contact avec la table interne du frontal.
Procédé de CUSHING.
Le chirurgien américain emploie la méthode ostéoplastique générale : large incision courbe, encadrant renfoncement, à distance. On fait alors une petite brèche au ciseau, et avec une pince-coupante de forme spéciale on sectionne le pariétal, un peu en dedans des bords de l’incision et parallèlement à elle ; puis, on relève le fragment et on le fracture à sa hase. Il est certain qu’on peut obtenir ainsi un large jour, qui permet d’observer facilement l’état des parties sous-jacentes et d’évacuer les épanchements.
Il faut éviter d’inciser la dure-mère, avant le rabattement du lambeau ostéoplastique, afin d’éviter la hernie du cerveau, qui se ferait par une petite incision. Si après évacuation des caillots, et lavage au sérum physiologique, l’hémisphère reste tendu, il faudra penser que l’hémorragie méningée est bi-latérale, et ouvrir le côté opposé, ainsi que le fil Cushing, dans un cas.
Par ce procédé, l’auteur américain a opéré 9 enfants nouveau-nés, atteints d’hémorragie méningée, le 2° et le 3° jour : il a obtenu quatre succès (1).
(1) Cushing. Amer. Journ. of Med. Sc., 1905, p. 563. — Garmichaël. Scottish Méd. Journ., .luin 1906, p524
Seitz a un peu modifié le procédé de Cushing. Il fait une incision cutanée parallèlement à la suture sagittale depuis la suture coronale jusqu’à la lambdoïde ; et, à l’aide de deux incisions perpendiculaires à la première, il dessine un volet ostéo-cutané rectangulaire, qu’il rabat en enfonçant la bosse pariétale en dedans, avec les pouces, comme on redresse l’enfoncement d’une balle en celluloïd ; la dure-mère est ensuite ouverte, le plus bas possible, afin d’évacuer les caillots (2).
(2) Seitz. Arch. of. Gyn., 1907, p. 627.
Dans un cas grave ou lorsque l’enfant est affaibli, Chauning G. Simmons (de Boston), redoutant le choc opératoire, préconisa une opération moins étendue. Il se contenta d’une incision de 2 à 2 cm. 1/2 le long du bord antéro-supérieur du pariétal, point qu’il suppose être le siège de prédilection des hémorragies. A ce niveau, il ouvre la dure-mère ; et, après évacuation des caillots, il laisse une mèche et suture à la soie.
Contre le Schock, il préconise quelques injections répétées de 70 cc de solution salée physiologique tiède sous le pectoral. Dans un cas, après incision de la suture corono-pariétale, et de la dure-mère sur l’étendue de 2 3/4 de pouce, à 1 pouce 1/2 de la ligne médiane il évacua 2 drachmes de sang noir d’un côté ; et en écartant les os, il permit à une plus grande quantité de sang de s’écouler. Il répéta la même manœuvre du côté opposé, mais sans résultat (1).
(1) Simmons C. Channing. Boston Med. and surg Journ., janv 1912. p. 43.
Lorsque l’état général de l’enfant le permet, la méthode large de Cushing nous paraît bien préférable à celle de Seitz ou de Simmons, qui risquent de ne permettre qu’une évacuation incomplète. On pourra d’ailleurs, pour faciliter l’opération, donner quelques bouffées d’éther ou de chloro-forme, et faire suivre d’une injection de 30 gr. de sérum physiologique. L’enfant sera entouré de bouillottes, malgré les couvertures, pour éviter le refroidissement ; et, on fera l’hémostase du cuir chevelu avec le tourniquet, afin de prévenir tout affaiblissement par la perte de sang.
Murphy et Torbert ont opéré par le procédé de Cushing un nouveau-né, dans les conditions suivantes : Primipare. Accouchement pénible par le siège à 6 heures de l’après midi. L’enfant a une nuit pénible, agitée ; il crie continuellement. Le lendemain matin : paralysie du bras gauche et légère paralysie faciale du même côté. La fontanelle antérieure est saillante et tendue. Pupilles égales. Convulsions de la face, et cyanose par instants. Une ponction lombaire donne du sang presque pur. On opère à 9 h 30 du soir. Large lambeau en fer à cheval sur le pariétal droit ; il est basculé à la façon d’un lambeau ostéo-plastique. A l’ouverture de la dure-mère, hémorragie sous-durale abondante avec peu de caillots ; cerveau très saillant. Aussi incise-t-on la fontanelle antérieure à gauche de la ligne médiane ; on évacue un volumineux hématome, moindre qu’à droite cependant. Guérison de l’opération. L’enfant meurt 1 mois après, de gastro-entérite (2).
(2) Murphy et Torbert. The Boston Méd. and surv. Journ., 12 Mai 1910, et Journ. de Chir., 1910, II, p. 36.
C’est là, évidemment, un beau cas d’intervention pour épanchement méningé sans fracture, sans enfoncement, chez un nouveau-né. Le procédé de Cushing permettait seul de facilement reconnaitre et d’évacuer un tel épanchement.
Biographie du Dr Henri DURET : http://baillement.com/lettres/duret/duret.html
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