
Le traumatisme vrai est variable dans sa nature et dans son intensité. Il peut s’agir naturellement d’une violence qui a déterminé une commotion voire une contusion des centres nerveux, comme on en peut voir réaliser par une application de forceps difficile souvent effectuée en dehors d’indications correctes, une extraction de siège longue et laborieuse, surtout si ces opérations ont été réalisées dans un bassin rétréci ou à travers des parties molles très résistantes.
Mort apparente, choc, grands et petits syndromes neurologiques sont des variétés cliniques de ce que l’on peut appeler la naissance pathologique : que le nouveau-né ait été atteint par un traumatisme, qu’il ait été éprouvé par l’anoxie, ou qu’il ait été victime de sa fragilité au cours de l’accouchement, ses premières minutes ou ses premières heures montrent une adaptation difficile à la vie extérieure, et en particulier à la respiration pulmonaire. Le rôle de la réanimation dont je n’ai cessé de vous parler trouve ici son utilité naturellement plus que partout.
Tout de suite je dois vous dire qu’il n’y a pas de correspondance régulière entre le syndrome clinique de mort apparente, de choc, etc., et les circonstances étiologiques trauma, anoxie ou fragilité.
Sachez aussi que l’on ne peut davantage établir de concordance entre les syndromes cliniques ou les circonstances étiologiques d’une part et le mécanisme lésionnel ou d’inhibition qui en est responsable.
LES CONDITIONS DE PRODUCTION DE CES SYNDROMES
L’intensité des syndromes dépend autant du plus ou moins faible degré de résistance de l’enfant que du degré plus ou moins fort du trauma.
Dans bien des cas c’est l’insuffisance de la résistance de l’enfant qui joue le rôle capital. Un grand nombre de nouveau-nés qui présentent des syndromes pathologiques à la naissance sont des prématurés, des débiles, des dystrophiques qui n’ont pas subi autre chose que le trauma d’un accouchement normal. Mais ils étaient déjà souvent des anoxiques pendant la grossesse. L’anoxie s’est aggravée pendant le travail et la difficulté d’instaurer une respiration pulmonaire déclenche les accidents.
Le traumatisme vrai est variable dans sa nature et dans son intensité.
Il peut s’agir naturellement d’une violence qui a déterminé une commotion voire une contusion des centres nerveux, comme on en peut voir réaliser par une application de forceps difficile souvent effectuée en dehors d’indications correctes, une extraction de siège longue et laborieuse, surtout si ces opérations ont été réalisées dans un bassin rétréci ou à travers des parties molles très résistantes Mais ces violences qui font de l’enfant un véritable blessé du crâne sont aujourd’hui rares ; et quand elles existent d’ailleurs elles sont plus souvent suivies de mort réelle par lésions irréversibles, que de mort apparente.
Habituellement, les traumatisés de la naissance sont des anoxiques, plus que des blessés. – Minkowski et coll. (1953) ont nettement établi qu’il existe un parallélisme franc entre les saturations basses en O2 du sang fœtal et l’incidence de signes neurologiques de souffrance du nouveau-né. L’anoxie joue donc certainement un rôle capital.
Il ne s’agit pas en général d’anoxies brusques comme celles qui résultent d’une procidence du cordon ou d’un décollement placentaire.
Le plus souvent c’est une anoxie lente, progressive, produite par des troubles de la dynamique utérine : hypertonie, contractions excessives, intervalles trop courts durée trop longue du travail surtout après la rupture des membranes. On voit le rôle que jouent ici toutes les dystocies et toutes les médications ocytociques employées pour les vaincre souvent très mal à propos.
On voit aussi le rôle que peut jouer toute anoxie relative de la mère qui peut venir s’ajouter à celle que nous venons d’analyser, comme il arrive au cours d’anesthésies comportant une certaine privation d’oxygène.
On comprend enfin combien tout cela peut être aggravé par un état antérieur d’hypoxie chronique comme en déterminent les « insuffisances placentaires » dont nous avons souvent parlé.
Toutes choses étant égales d’ailleurs, un dernier facteur d’aggravation se surajoute souvent à tous les autres en dernière heure : c’est soit une extraction un peu traumatisante, soit le pilonnage trop prolongé du périnée par la tête pendant l’expulsion. Le serrage du crâne par des tissus résistants pendant de longues demi-heures est alors, je crois, très dangereux.
QUE REPRESENTENT CES SYNDROMES ?
DEUX MOTS DE PHYSIOLOGIE ET D’ANATOMIE PATHOLOGIQUES
Traumatismes vrais et anoxie anté et intra-natale ont déterminé une inhibition ou une lésion des centres nerveux.
Il s’ensuit essentiellement une instauration retardée ou défectueuse ou insuffisante de la respiration pulmonaire. Les troubles ont commencé dans l’utérus par une anoxie d’origine placentaire ; ils continuent, aggravés, par une anoxie d’insuffisance pulmonaire.
Les troubles de la respiration pulmonaire dominent les suites des naissances pathologiques. Je vous ai montré déjà que d’une façon générale, pour tout nouveau-né, l’adaptation à la vie extérieure est d’abord et essentiellement l’adaptation à un nouveau mode d’oxygénation, et que les premières heures de la vie sont consacrées à “l’apprentissage” de la respiration aérienne. Le nouveau-né pathologique est, lui, d’abord et souvent principalement, un insuffisant respiratoire plus ou moins grave.
Mais il y a probablement plus. A l’élément pulmonaire de la respiration s’ajoute, semble-t-il de façon fréquente, un désordre vasculaire, lequel associe bientôt à l’insuffisance d’absorption de l’oxygène, l’insuffisance de sa distribution aux tissus.
Le processus physiopathologique serait donc le suivant :
- lésion ou inhibition ou immaturation des centres ;
- insuffisance respiratoire ;
- désordre vasculaire perturbant la distribution de l’O2 aux tissus ;
- aggravation secondaire de l’état initial des centres due à cette perturbation et évolution possible vers des lésions irréversibles.
Quelles lésions ?
On sait qu’une “agression” quelconque est toujours suivie d’une première phase de vasoconstriction puis d’une deuxième, de vasodilatation. Celle-ci s’accompagne assez vite de fuite du plasma hors des vaisseaux et d’inondation tissulaire. C’est là le substratum essentiel du choc. Tout porte à penser que le nouveau-né suit cette loi générale.
Les excellentes descriptions anatomopathologiques de Ribadeau-Dumas, Lantuéjoul et Héraux semblent bien confirmer cette hypothèse : « L’anoxie, quand elle est durable, disent ces auteurs, provoque au niveau des tissus un syndrome histologique caractérisé par : hypercongestion et dilatation des capillaires, tuméfaction de l’épithélium, augmentation de la perméabilité. Ce trouble circulatoire profond a comme conséquence l’apparition d’œdèmes, d’infarctus, de diapédèse leucocytaire et hématique, finalement d’hémorragies d’importance et d’étendue variables. »
R. Waitz étudiant particulièrement les lésions cérébro-méningées a montré que dans les cas graves évoluant vers la mort on peut trouver des lésions assez diverses, mais où dominent toujours les dilatations vasculaires, les hémorragies et l’œdème. Les autopsies montrent parfois de gros foyers hémorragiques sous l’arachnoïde ou dans la substance nerveuse, mais plus souvent des lésions plus discrètes ; œdèmes méningés, tantôt séreux, tantôt albumineux. Dans ce dernier cas on trouve de vastes nappes surtout abondantes au voisinage des veines distendues. Elles farcissent le réticulum sous-arachnoïdien et souvent le déchirent ou le refoulent. Une vasodilatation considérable capillaire et veineuse est habituelle. Lorsqu’elle ne montre pas d’hémorragie parenchymateuse la coupe du cerveau présente souvent une coloration violacée, lilas liée à une dilatation des vaisseaux souvent accompagnée de petites hémorragies miliaires.
Beaucoup de ces lésions peuvent être traumatiques. Mais R. Waitz dès 1931, avait discerné le rôle considérable de l’anoxie dans leur production.
Le rôle de ce facteur essentiel dans les syndromes de la naissance pathologique est maintenant bien établi : je pense vous avoir montré les processus qui le déterminent et vous avez compris l’évolution en cercle vicieux qui l’aggrave.
Rompre ce cercle vicieux avant les lésions irréversibles et en particulier avant l’apparition ou l’extension des lésions cérébro-méningées est donc le problème thérapeutique qui est ainsi nettement posé.
ÉTUDE CLINIQUE
La naissance pathologique n’est souvent pas une surprise. Certains faits de la grossesse ou du travail ont permis de la prévoir.
Je n’insiste pas sur ce point qui a été suffisamment expliqué par le paragraphe consacré à l’étude étiologique. Je vous rappelle ici seulement :
- que l’anoxie n’est pas toujours pendant la grossesse et l’accouchement facile à déceler et qu’il y faut apporter beaucoup d’attention. Vous attacherez autant d’importance à la marche du travail plus ou moins écartée de l’optimum qu’aux signes classiques de souffrance fœtale. Ni l’auscultation des bruits du cœur ni encore moins le rejet de méconium ne traduisent toujours fidèlement l’état de l’enfant, lequel parfois naissent en bon état alors qu’on était fort inquiet et parfois naît en très mauvais état alors qu’aucun signe de souffrance n’avait encore donné l’alarme ;
- que des violences d’extraction exercées sur l’enfant et surtout sur un enfant immature ou un enfant qui a déjà souffert, sont des conditions étiologiques de gravité particulière.
L’aspect clinique du nouveau-né blessé ou anoxique est très variable.
L’exposé de physiopathologie que je viens de faire vous l’a laissé assez entendre. C’est dire que la description ne saurait être réduite, comme le faisaient les anciens livres, au seul syndrome de la mort apparente. L’état comateux ou l’état de choc que l’enfant peut présenter sont d’intensité très diverse mais ils comportent toujours :
- des signes neurologiques ;
- des signes respiratoires ;
- des signes cardiovasculaires.
Ces signes plus ou moins accusés s’associent en proportions variées pour donner des syndromes que l’on peut schématiser en trois tableaux :
- celui de l’enfant « étonné », forme bénigne passagère ;
- celui de la mort apparente, forme comateuse apnéique, souvent grave ;
- celui enfin du choc, forme parfois distincte et primitive, mais parfois secondaire aux deux autres et de gravité variable.
Ces syndromes posent toujours deux problèmes. Le syndrome est-il fonctionnel, ou déjà lésionnel, et quelle est la lésion? Comment rompre le cercle vicieux qui d’une inhibition anoxique peut conduire à des lésions et à une anoxie aggravée ?
Tout de suite, je veux insister sur deux points fondamentaux de clinique générale :
- ces états imposent des manipulations d’une extrême douceur. N’oubliez pas : les enfants sont assimilables à des choqués ou à des blessés du crâne ;
- ces états nécessitent, même en apparence les plus bénins, la surveillance étroite et prolongée, la réanimation compétente qu’exige tout individu choqué.
Les enfants « étonnés »
C’est la forme la plus bénigne des naissances pathologiques et traumatiques. Le plus souvent rien n’aura attiré votre attention pendant le travail ; parfois seulement une expulsion un peu longue ; parfois vous aurez eu à pratiquer une application de forceps simple ; non traumatisante, mais sous anesthésie. L’enfant naît avec un bon tonus. Il a quelques mouvements. Mais il est quelquefois un peu pâle. Sa respiration tarde à s’établir. Une minute ou deux se passent, généralement sans angoisse étant donné l’aspect général et brusquement une grande inspiration saccadée survient, puis un cri qui devient rapidement franc, s’il ne l’est pas tout de suite.
En général vous n’aurez eu aucun traitement à envisager. Tout au plus aurez-vous pu exciter le réflexe respiratoire simplement par le froid d’une évaporation de quelques gouttes d’alcool versées sur le thorax. De façon très habituelle cet enfant se colorera vite normalement et la surveillance des heures suivantes vous montrera une respiration normale, des téguments non cyanosés. Le lendemain, quand l’examen sera possible, vous trouverez des réflexes normaux. Les suites seront favorables : il s’est agi d’une inhibition très transitoire des centres.
La mort apparente
Tout à l’opposé du nouveau-né étonné, voici un nouveau-né qui a toutes les apparences de la mort ; l’événement caractéristique et fondamental ne se produit pas : la respiration pulmonaire ne s’établit pas ; il n’a aucun mouvement respiratoire et donc ne crie pas ; il est immobile, flasque. Seuls les battements de son cœur plus ou moins bien frappés et réguliers attestent la persistance de la vie. Les auteurs classiques décrivent deux formes, dont la séparation est bien un peu artificielle mais qui dans les cas francs caractérisent cependant deux degrés de gravité différente.
1° Forme bleue. C’est la moins grave ; c’est elle que l’on rencontre neuf fois sur dix. L’enfant présente une cyanose généralisée. Son cœur bat faiblement et un peu irrégulièrement peut-être, mais de façon nette. Le nouveau-né est hypotonique, mais non complètement fiasque. Ses réflexes sont très atténués, mais l’introduction du doigt dans la bouche permet souvent de percevoir, plus ou moins faible, le réflexe pharyngien. L’évolution de cette forme bleue est très souvent favorable. Sous l’influence du traitement on voit survenir des ondulations le long des attaches du diaphragme, puis brusquement une secousse inspiratoire saccadée, véritable hoquet. Les secousses se répètent, se rapprochent, la respiration se régularise, la cyanose diminue. L’enfant fait quelques mouvements, geint, et enfin pousse un cri qui marque l’établissement définitif de la respiration pulmonaire. Suivant la gravité de l’asphyxie, l’évolution est plus ou moins rapide. Parfois un quart d’heure ou une demi-heure se passent avant le premier cri. L’évolution est dans quelques cas défavorable. Le plus souvent on voit alors l’enfant pâlir brusquement. La forme bleue devient secondairement une forme blanche avec tous ses risques.
2° La forme blanche. L’enfant est pâle, d’un blanc cireux, livide, son cœur bat mais les battements sont souvent si faibles qu’on ne les perçoit pas, même en prenant le cœur entre le pouce enfoncé sous le diaphragme et l’index placé sur la paroi thoracique. L’hypotonie atteint ici un degré extrême. La flacidité est complète. Les réflexes sont complètement abolis. La pupille est dilatée.
Dans les cas favorables, presque toujours après de longs efforts, les battements cardiaques augmentent d’intensité. Souvent alors l’enfant devient secondairement bleu, et se comporte désormais comme nous l’avons décrit à propos de la forme précédente.
Parfois on peut assister à une rechute, sorte de syncope secondaire, qui guérit ou se termine par la mort. Bien plus souvent que dans les formes bleues, l’évolution est défavorable. Les battements cardiaques s’espacent et finissent par disparaître. Dans ces cas l’autopsie montre avec fréquence des hémorragies méningées importantes.
La description que nous venons de faire est schématique. Il y a des formes mixtes où la pâleur du choc s’allie à la cyanose. Ce sont même certainement les formes les plus habituelles. En fait, c’est moins l’apparence de l’enfant que le plus ou moins rapide succès ou échec des manœuvres de réanimation qui importe.
Il est des cas gravissimes où toute manœuvre échoue. Après plus ou moins d’alternatives l’enfant meurt : vous trouvez à l’autopsie presque toujours une hémorragie méningée ou cérébrale.
Il est des cas au contraire relativement bénins où en quelques minutes les manœuvres de réanimation amènent quelques mouvements respiratoires, puis un rythme régulier, enfin un cri qui devient vite franc : cet enfant guérira en général rapidement ; il n’avait qu’une inhibition de ses centres, ou au moins pas de lésion apparente.
Il est enfin de nombreux cas intermédiaires, graves, où la réanimation reste incomplète : la respiration finit par s’établir mais mal; elle reste irrégulière, l’enfant ne crie pas; il geint et demeure très hypotonique, plus ou moins cyanosé, peut-être avec des phases de pâleur. C’est un enfant qui a probablement une hémorragie cérébro-méningée.
Les choqués
Beaucoup d’enfants qui sortent d’un syndrome de mort apparente restent des choqués plus ou moins graves.
Certains enfants sans passer par le stade de mort apparente respirent dès la naissance mais se comportent d’emblée comme des choqués.
Quelques enfants enfin nés en apparence normaux, qui ont respiré et crié normalement ou presque, font au bout de quelques minutes, parfois 1/4 d’heure ou 1/2 heure, un choc secondaire.
Qu’ils soient des choqués primitifs ou secondaires, ces 3 catégories d’enfants présentent :
- des troubles respiratoires : la respiration est superficielle, irrégulière, saccadée, parfois entrecoupée de pauses, souvent accompagnée de tirage;
- des troubles cardio-vasculaires : les téguments sont pâles ou montrent un mélange de cyanose et de pâleur; parfois des plaques violacées sur le corps, une teinte cyanotique au pourtour des lèvres, contrastent avec l’aspect livide d’autres zones. Le cœur est rapide, le pouls petit ;
- des troubles nerveux : l’hypotonie à ce stade souvent domine, mais on peut voir au contraire des raideurs, des mouvements convulsifs, ou des soubresauts des membres ou de la face. Il n’est pas question à ce stade d’apprécier les réflexes, car toute manipulation est dangereuse. La température est le plus souvent basse, mais instable. Ce choqué est ordinairement inerte ; il geint quelquefois ; l’état général est mauvais.
Peut-on à ce moment préciser, lésion ou inhibition ? Habituellement pas.
C’est l’évolution qui plus ou moins difficilement orientera peu à peu votre opinion. Les tableaux évolutifs sont très divers.
Je schématise beaucoup :
Dans quelques cas l’évolution vers la mort est rapide. Vous voyez l’enfant plus ou moins rapidement s’enfoncer dans le coma. Les yeux plafonnent, la respiration devient très irrégulière, superficielle, la cyanose s’étend; l’atonie est complète. Avec ou sans phase transitoire d’hypertonie, avec ou sans accès convulsifs, avec ou sans accès d’hyperthermie, l’enfant meurt. Si vous avez fait une ponction lombaire vous avez en général trouvé du sang et l’autopsie vous montrera, en effet, presque toujours une hémorragie méningée : des caillots péribulbaires et des suffusions cérébrales. Le choc est ici le fait de lésions, pratiquement irréversibles. L’enfant était souvent un blessé de l’accouchement.
Un degré de moins : Il s’agit moins souvent de blessés que d ‘anoxiques. Et un certain nombre d’entre eux sont des prématurés. Après une phase très inquiétante rappelant le tableau précédent, l’état s’améliore un peu : la respiration tend à se régulariser, la cyanose à diminuer ; l’hypotonie est moins marquée : la première journée se passe sans que l’enfant meure. Diverses éventualités sont alors possibles :
1) QUELQUEFOIS ON VOIT S’INSTALLER UN SYNDROME MÉNINGÉ NET : raideur de la nuque, des membres, qui peut alterner avec des phases d’hypotonie, suppression des réflexes, accès de cyanose, gémissement continu, difficulté de succion et de déglutition, en général hyperthermie; présence de liquide sanglant ou xanthochromique souvent hypertendu à la ponction lombaire; les signes neurologiques sont évidents, assez souvent confirmés par la survenue de convulsions. Cet enfant peut encore mourir, et parfois brusquement au cours d’une crise de cyanose ou de convulsions. Mais assez souvent il guérira; peu à peu le tableau s’améliore, la respiration devient meilleure, l’enfant s’alimente, et reprend du poids. La guérison sera-t-elle sans séquelles ? Ne l’affirmez pas : hydrocéphalie secondaire, épilepsie, troubles psychomoteurs ne sont pas impossibles.
2) AUTRE ÉVOLUTION PLUS FRÉQUENTE : LES TROUBLES RESPIRATOIRES DOMINENT. Les signes nerveux manquent ou, plus estompés, sont à l’arrière-plan, mais l’enfant est un grand dyspnéique, cyanosé, présentant souvent du tirage. Vous pensez moins ici à demander tout de suite une ponction lombaire qu’une radio du thorax. Vous trouvez alors avec quelque fréquence une image d’atélectasie. Est-ce un noyé ? Peut-être : il se peut que cet enfant ayant souffert pendant la gestation et pendant le travail ait aspiré beaucoup de liquide amniotique que la réanimation n’ait pu extraire. Mais devant ce tableau pensez aussi qu’il peut s’agir d’une atélectasie d’origine nerveuse centrale par œdème cérébral ou hémorragie méningée. A la ponction lombaire vous trouverez parfois un liquide sanglant ou xanthochromique, parfois seulement un liquide hyperalbumineux. N’oubliez pas l’existence du poumon« cérébral» de Ribadeau-Dumas. Mort ou guérison ? Devant ces accidents pulmonaires on peut rester plusieurs jours dans l’indécision : la guérison est fréquente, mais la mort, par œdème, infection, ou par hémorragie des centres, n’est pas exceptionnelle.
Évolution moins sévère. Après la phase de choc, les grandes difficultés sont passées. L’enfant pendant quelques jours aura encore quelques troubles nerveux : ses réflexes peuvent être abolis ; il est quelquefois agité et trépidant ; ou au contraire, par intermittence, hypotonique: certains crient de façon aiguë; l’attention reste donc attirée du côté du système nerveux. Quelques-uns sont plus spécialement des dyspnéiques. Tout s’atténue peu à peu et il est habituel qu’à la fin de la première semaine l’amélioration soit suffisante pour qu’on puisse parler de guérison. Celle-ci sera-t-elle totale ? Ne vous hâtez pas de le promettre. Revoyez l’enfant plus tard. Examinez son système nerveux. Il n’est pas en effet impossible que le choc de la naissance laisse des séquelles malgré l’évolution relativement favorable.
RÉSULTATS ÉLOIGNÉS
Depuis le mémoire fondamental de Little en 1862, nous savons que des séquelles peuvent succéder à ces « naissances pathologiques ». Mais les états spasmoparalytiques décrits par Little ne sont évidemment que les formes sévères de ces séquelles.
Plus les neurologistes apprennent à déceler les séquelles plus fines, plus les suites de naissance appellent nos réserves.
Cependant il faut reconnaître qu’en général on est étonné de la récupération des enfants nés choqués ou même en mort apparente lorsqu’ils survivent.
Toutefois, chiffrer la proportion des enfants qui resteront des tarés par rapport au nombre de ceux dont la naissance a été pathologique ne me paraît pas actuellement possible. L’incertitude des critères adoptés pour classer les naissances pathologiques, aussi bien que l’incertitude des critères adoptés pour juger l’état ultérieur des enfants, réduisent considérablement l’intérêt des statistiques publiées.
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