
Les dommages subis par le cerveau lors de la naissance ont une double gravité : immédiate, car ils sont pour une grande part responsables de la mortalité néonatale ; tardive, car ils sont cause d’insuffisance intellectuelle et de troubles neurologiques, qui se révèleront ultérieurement. Ce sont avant tout les hémorragies cérébro-méningées.
Etiologie
La rupture vasculaire peut être produite par une compression directe de la boite crânienne : rarement par un traumatisme provoqué par l’application malencontreuse d’un forceps, mais plutôt par le mécanisme même de l’accouchement qui soumet la faux du cerveau, la tente du cervelet et les vaisseaux à des tractions pouvant amener leur déchirure et leur éclatement.
La rupture vasculaire peut aussi être la conséquence d’ une hypertension sanguine intracrânienne comme cela arrive dans les accouchements par le siège, dans les accouchements trop rapides avec contractions violentes, ou lorsque existe un obstacle pelvien. Quelquefois, l’emploi abusif des ocytociques peut être incriminé.
Mais d’autres facteurs que la pression mécanique jouent un rôle important en fragilisant les cellules nerveuses et les vaisseaux.
Ce sont :
a) la prématurité, toutes les statistiques l’établissent, peut-être en raison d’une fragilité vasculaire plus grande, les enfants pesant moins de 1,500 kg meurent fréquemment d’hémorragie cérébro-méningée ;
b) l’anoxie intra-utérine, qui est un facteur prédisposant de première importance par les lésions qu’elle provoque ;
c) l’abaissement de la résistance vasculaire ;
d) les troubles de la coagulation (l’hypoprothrombinémie) seraient surtout responsables des hémorragies survenant non pas dès la naissance, mais les jours suivants (voir Maladie hémorragique du nouveau-né). Elles peuvent en tout cas aggraver secondairement une hémorragie de la naissance.
Anatomie pathologique
L’hémorragie des hémorragies cérébro-méningées est, dans la règle, une hémorragie sous-arachnoïdienne. Seules sont bien connues les lésions anatomiques des hémorragies abondantes, diffuses, ou localisées dans les rentres vitaux ayant entraîné la mort.
Lorsque l’hémorragie méningée est diffuse, on trouve une nappe sanguine plus ou moins étendue adhérant au cerveau le long des sillons ; elle siège souvent dans la fosse cérébrale postérieure, s’infiltrant autour du bulbe et de la protubérance.
Lorsque l’hémorragie méningée est localisée, il s’agit en général d’une hémorragie de la région bulbo-protubérantielle.
Dans le cerveau se voit soit un piqueté hémorragique diffus, soit une véritable nappe hémorragique localisée. Les plexus choroïdes sont fréquemment congestifs, leur rupture entraîne une inondation intraventriculaire. Dans ce cas, du sang pur remplit la cavité ventriculaire ; si le sang reste localisé dans le ventricule, le liquide céphalo-rachidien retiré par ponction lombaire sera clair, cc qui est exceptionnel.
Évolution des lésions
Si le nouveau-né survit, les lésions s’organisent, des cicatrices diverses se forment : elles constitueront l’une des formes de la sclérose cérébrale infantile.
L’hématome sous-dural ne se voit pratiquement pas dans la période néonatale.
L’hématome extra-dural est très rare, accompagnant dans la règle une fracture ou un enfoncement du crâne.
Symptômes
Les manifestations les plus marquantes des hémorragies cérébro-méningées sont les accidents provoqués par l’atteinte des centres neuro-végétatifs.
Symptômes immédiats. L’enfant naît en état de mort apparente, ne respirant pas. On distingue une forme dite syncope blanche où non seulement l’enfant est pâle et tout à fait atone, mais où, de plus, le cœur bat faiblement. Ses bruits sont irréguliers et mal perçus. Et une forme dite syncope bleue, où l’enfant est cyanosé et inerte mais où les bruits du cœur sont bien perçus.
La mort est habituelle dans le premier cas, fréquente dans le second ; cependant, les afforts de réanimation sont souvent suivis de succès, la respiration s’établit et la cyanose disparaît ; malheureusement de nouveaux accidents apnéiques surviennent fréquemment dans les heures ou les jours suivants et chacun d’eux peut être mortel.
D’autres enfants naissent “étonnés”. Le premier cri tarde à se produire, puis les mouvements respiratoires se font irréguliers dans le rythme et l’amplitude pendant quelques minutes, ils deviennent ensuite normaux.
Symptômes retardés. Même si la respiration était normale à la naissance, les jours suivants peuvent être constatés les crises d’apnée et de cyanose. Les mouvements respiratoires deviennent irréguliers et s’arrêtent, les extrémités sont froides el cyanosées, la réanimation est parfois possible, mais la récidive de pareils accidents est fréquente et trop souvent il en est mortel.
Cette symptomatologie impressionnante conduit sans effort la suspicion d’hémorragie cérébro-méningée qui en est la cause la plus fréquente. Il n’en est pas de même des autres données de l’examen clinique.
Certes, peuvent être constatées des convulsions cloniques ou toniques, une tension anormale de la fontanelle, une hypertonie surtout marquée aux muscles de la nuque, en fait l’hypotonie est bien plus fréquente, le cou de l’enfant étant mou et inerte. Quelquefois l’hypertonie généralisée crée une véritable tétanie permanente du nouveau-né.
Mais ce cortège de signes évocateurs fait souvent défaut et le diagnostic de souffrance cérébro-méningée sera évoqué devant d’autres signes :
- L’irrégularité de la température avec des accès dépassant 39°, de fâcheux pronostic, ou encore une hypothermie permanente au-dessous de 36° avec une instabilité thermique très grande.
- La courbe de poids horizontale ou progressivement descendante, avec ou sans signes digestifs (anorexie, vomissements).
- Parfois existent des signes trompeurs du retentissement de l’hémorragie cérébro-méningée sur un organe à distance ; c’est ainsi que l’on peut voir des manifestations pulmonaires (atélectasie, œdème) secondaires à une atteinte cérébrale, voire des manifestations rénales (azotémie, cylindrurie. albuminurie).
- Parfois aussi le diagnostic ne sera fait que sur l’aspect anormal de l’enfant qui paraît souffrir. Il geint. Son cri est faible et plaintif. Son teint grisâtre. Il reste inerte. Ce ne sont souvent que des nuances cliniques, elles sont inconstantes el elles demandent une certaine habitude de la médecine néonatale pour être notées. Une grande valeur doit leur être attribuée. Dans tous les cas, la non-existence des réflexes archaïques fait redouter l’atteinte cérébrale.
- Enfin, les hémorragies cérébro-méningées peuvent se passer de tout signe clinique, et l’on a montré que la ponction lombaire systématique en mettait un évidence un certain nombre.
L’examen du fond d’œil peut aider au diagnostic en décelant les hémorragies rétiennes.
Évolution – Pronostic
Si l’enfant a surmonté les dangers des premiers jours, les accidents s’atténuent, l’enfant paraît guéri ; il arrive que, dans les mois suivants, la courbe de poids soit très laborieusement ascendante, plus lard peut se révéler une encéphalopathie infantile, redoutable éventualité dont la cause n’apparait alors que si l’on recherche les symptômes des premiers jours.
De temps à autre, après une hémorragie cérébro-méningée de la période néonatale se développe une hydrocéphalie qui demande un traitement chirurgical précoce.
Il serait cependant excessif de croire que l’avenir d’un enfant atteint d’hémorragie méningée soit toujours sombre. Si l’encéphale n’a pas été intéressé, si l’hémorragie méningée a respecté la corticalité, l’enfant se développe normalement.
Diagnostic
Le diagnostic suspecté par la clinique n’est affirmé que par la ponction lombaire. Aussi ne sera-t-elle pas différée dès que l’on songe à une hémorragie méningée à cet âge. Toutefois, l’interprétation des résultats n’est pas toujours facile.
L’hémorragie cérébro-méningée est affirmée sans conteste lorsque le liquide retiré est rosé ou nettement sanglant dans les trois tubes, ou encore lorsqu’il est xantochromique et qu’il contient des hématies altérées. Mais le liquide peut ne pas être sanglant macroscopiquement, ni microscopiquement, et cependant être anormal :
a) soit qu’il contienne une quantité excessive d’albumine, c’est fréquemment le cas chez le prématuré ;
b) soit qu’il paraisse très abondant et la ponction lombaire retire alors facilement 10cm3 et plus d’un liquide de composition normale, ce qui a été décrit sous le nom d’hypersécrétion transitoire du liquide céphalo-rachidien.
Il faut, dans ces cas, penser qu’il y a peut-être pas une hémorragie cérébro-méningée véritable. L’hyperalbuminose serait la conséquence d’une hyperméabilité des plexus choroïdes ou d’un œdème cérébral. Il s’agirait, en somme, d’un signe de souffrance cérébrale réversible, dont l’accentuation aurait conduit à une hémorragie cérébro-méningée. Lorsqu’il y a eu hémorragie indiscutable, l’aspect du liquide se modifie peu à peu, d’abords rouge, il devient xanthochromique, puis clair, le nombre des hématies diminue, les macrophages et les polynucléaires apparaissent, l’albuminorachie baisse progressivement.
De tout manière, l’indication d’une ponction lombaire est d’autant plus absolue qu’une méningite purulente peut donner les mêmes signes cliniques qu’une hémorragie cérébro-méningée. La méconnaitre serait désastreux, il faut d’ailleurs savoir que hémorragie et infection peuvent évoluer de pair, d’où la règle de toujours ensemencer un liquide céphalo-rachidien hémorragique.
Relations entre les troubles respiratoires et les lésions cérébro-méningées.
Les troubles respiratoires, asphyxie, crises de cyanose et d’apnée, qui sont les accidents majeurs des hémorragies méningées, ont avec celles-ci des rapports qu’il faut préciser.
La lésion hémorragique traumatique peut déterminer des accidents respiratoires :
a) En touchant les centres respiratoires cérébraux ;
b) Par un phénomène reflexe, en provoquant des lésions pulmonaires d’angio-alvéolite et d’atélectasie (poumon réponse) qui vont gêner l’hématose. Mais les troubles respiratoires eux-mêmes, par l’anoxie qu’ils provoquent, peuvent créer des œdèmes et des hémorragies cérébro-méningées. Ceci a été établi par des travaux expérimentaux.
L’anoxie peut, d’autres part, se produire dès la vie intra-utérine, en cas de circulaire du cordon, ou au moment de l’accouchement à la suite d’un travail prolongé, d’une anesthésie, ou d’une injection d’ocytociques mal supportées.
Elle aboutit à une respiration prématurée in utéro, entrainant une aspiration de liquide amniotique, avec inondation alvéolaire, qui va singulièrement restreindre, après la naissance, l’étendue des échanges pulmonaires et augmenter l’anoxie initiale.
De sorte que, chez un nouveau-né ayant des troubles respiratoires graves, il est difficile par la clinique de savoir s’ils sont la conséquence de lésions respiratoires ou cérébrales, si celles-ci coexistent et, dans ce cas, quelles ont été les premières en date.
Traitement
Le meilleur traitement est préventif, réduisant au minimum le traumatisme obstétrical et l’anoxie, évitant l’emploi des ocytociques et des analgésiques lorsque leur prescription ne s’impose pas, faisant respirer à la mère de l’oxygène pendant l’accouchement, et surtout prévenant la prématurité (on sait la précarité de nos moyens d’action sur ce dernier point).
Devant un nouveau-né en état de mort apparente, il faut s’abstenir de tout procédé violent. L’enfant est placé sur une alèze chaude, il faut alors enlever les mucosités bucco-pharyngées à l’aide d’un doigt recouvert d’une compresse, désobstruer, s’il n’y a aucun mouvement respiratoire, les voies aériennes supérieures avec un cathéter ou une sonde avec aspiration prudente, injecter un analeptique cardio-vasculaire et respiratoire (lobéline, caféine, spartéine), pratiquer une respiration artificielle par des pressions sur le thorax ou avec un appareil spécial en donnant de l’oxygène.
D’autres procédés ont été proposés, insufflation d’oxygène dans l’estomac, électrisation du phrénique.
Les crises d’apnée el de cyanose demandent elles aussi un traitement immédiat comprenant la respiration artificielle et l’oxygénothérapie.
Une ponction lombaire ne sera faite qu’après rétablissement d’un rythme respiratoire normal. L’opinion des pédiatres sur le rôle thérapeutique des ponctions lombaires n’est pas unanime. La conduite la plus prudente consiste à ne pas faire de soustraction trop abondante d’un liquide sanglant dans les premiers jours. Par contre, il peut être utile vers le 3ème ou 4ème jour de retirer quelques centimètres cubes d’un liquide souvent hyper-tendu et irritant par les produits de l’hémolyse.
L’injection systématique de vitamine K, doit être faite après tout accouchement difficile, après toute naissance prématurée. Si elle n ‘agit que fort peu sur les hémorragies cérébro-méningées immédiates, elle combat la récidive lors de la chute des facteurs des complexes prothrombiques les jours suivant la naissance.
L’injection préventive de vitamine K à la mère n’a pas donné les résultats escomptés.
Le résultat du traitement des vitamines P el des vitamines C, susceptibles d’agir sur la fragilité vasculaire, n’entraine pas la conviction sur leur efficacité.
Le gardénal est nécessaire en cas de convulsions. Un traitement antibiotique peut empêcher une infection secondaire.
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