Complications graves, en raison de la possibilité de séquelles neuropsychiques ultérieures, les hémorragies cérébro-méningées du nouveau-né se rencontrent dans les trois cas suivants : le traumatisme obstétrical, l’anoxie fœtale et l’accouchement du prématuré.

Les lésions anatomo-pathologiques

Les lésions anatomo-pathologiques sont variées. Eliminer le grand traumatisme avec fracture ou enfoncement de la boîte crânienne et envisager :

1) LES HÉMORRAGIES MACROSCOPIQUES, importantes, d’origine traumatique par atteinte d’un gros vaisseau (sinus veineux, veine de Galien… ) s’accompagnant de déchirure de la tente du cervelet ou de la faux du cerveau. Parfois, hématome sous-dural par atteinte de l’artère méningée moyenne, ou hémorragie intra-ventriculaire par atteinte des plexus choroïdes, ou enfin hémorragies péribulbaires.

Ces hémorragies sont provoquées par une compression de la tête fœtale (bassin rétréci, forceps … ) entraînant une augmentation de certains diamètres, une bascule de l’os frontal et des tractions sur le faux cerveau, d’où rupture vascuculaire.

2) LES HÉMORRAGIES MICROSCOPIQUES, diffuses, multiples, d’origine anoxiques entraînant une extravasation de globules rouges (piqueté hémorragique cérébro-méningé) avec possibilité d’atteinte cellulaire (troubles d’abord réversibles, puis altérations définitives, causes de mort ou de séquelles durables).

L’anoxie, qui en est la cause principale, trouve un terrain propice à l’hémorragie en raison de l’hypoprothrombinémie du nouveau-né et de la diminution de résistance capillaire des prématurés.

3) L’ŒDÈME SIMPLE CÉRÉBRO-MÉNINGÉ n’est que le premier stade souvent de l’hémorragie.

4) LES LÉSIONS ASSOCIÉES, A DISTANCE sont représentées par :

  • L’atteinte pulmonaire : aspiration bronchique, atélectasie, angéio-alvéolite (c’est le “poumon cérébral”).
  • Les hémorragies viscérales, notamment surrénales.
  • Le collapsus cardio-vasculaire avec état de choc.

Un vrai cercle vicieux s’installe, l’anoxie appelle l’hémorragie, le traumatisme entraîne le choc et l’anoxie, le choc provoque l’anoxie, etc…

Etiologie

1) LE TRAUMATISME OBSTÉTRICAL : accouchement dans un bassin rétréci, application de forceps, version, extraction du siège.

2) LES ANOMALIES DU TRAVAIL. L’accouchement trop long (attention après la 15e ou la 18e heure), les contractions utérines trop violente et l’hypertonie (attention aux ocytociques), les spasmes du col (dystocie fonctionnelle) ou encore l’accouchement trop rapide. Les anomalies du travail provoquent à la fois l’anoxie et le traumatisme.

3) L’ANOXIE DES ENFANTS FRAGILISÉS,

  • PRÉMATURATION avant tout (rôle de l’hypoprothrombinérnie et de la chute de la résistance capillaire).
  • Post-maturation. Diabète. Syphilis.
  • Difficulté des échanges gazeux fœto-maternels (placenta praevia, placenta infarci des dysgravidies, placenta sénescent des grossesses prolongées).

4) L’ANOXIE POST-NATALE. Une légère souffrance fœtale intra-utérine peut s’accentuer après la naissance (mort apparente, réanimation difficile).

Signes cliniques

L’enfant naît le plus souvent en état de mort apparente. La réanimation est plus ou moins longue et les symptôme s’installent dans les heures ou les jours qui suivent.

SIGNES FONDAMENTAUX.

1) LES ACCÈS DE CYANOSE, généralisés à tout le corps ou localisés à la face.

2) LE DÉSÉQUILIBRE THERMIQUE. La température varie entr 36 et 40°.

3) LES CRISES CONVULSIVES, soit généralisées, soit localisées (membres, face, globes oculaires).

SIGNES SECONDAIRES.

1) Trouble du tonus. Enfant mou (poupée de chiffon) avec suppression des réflexes (tendineux, de Moro, de redressement, de la marche, de la préhension, de succion) ou raideur de la nuque, du rachis ou des membres.

2) Les cris plaintifs, caractéristiques souvent, surtout lorsqu’on remue l’enfant.

3) Les troubles respiratoires : dyspnée, pauses respiratoires, accompagnés de cyano e.

4) La tension des fontanelles : à rechercher soigneusement en dehors des cris de l’enfant.

5) Les troubles de la succion et de l’alimentation. L’évolution peut se faire vers la mort par accentuation des troubles respiratoires et du collapsus cardio-vasculaire ou vers la guérison parfois avec séquelles neuropsychiques consécutives (épilepsie, maladie de Little, hémiplégie, hydrocéphalie, troubles psychiques…).

Les formes mineures ne sont pas rares. Ce sont les “petits traumatisés” (rôle de l’œdème cérébro-méningé) : enfant agité, criant facilement, se mettant en colère, ou encore tétant mal et ne prenant pas de poids.

LE DIAGNOSTIC est aidé par la ponction lombaire (discutable) à faire, l’enfant en position couchée, très prudemment. Elle est parfois difficile à pratiquer et peut être négative (si l’hémorragie siège au-dessus de la tente du cervelet ou s’il existe un cloisonnement).

Le liquide céphalo-rachidien, souvent sous pression, est franchement rouge ou simplement rosé, puis il devient les jours suivants xantochromique, c’est-à-dire que la partie surnageante, après centrifugation, est jaune (transformation de l’hémoglobine en pigment biliaire par hémolyse). La xantochromie est un excellent signe d’hémorragie méningée (sauf dans le cas d’ictère). L’examen cytologique montre : hyperalbuminose (0,50 g à 2 g), hématies abondance (20 000 à 50 000 par mm3), hyperleucocytose (20 à 400 mm3).

Diagnostic différentiel

  • Les méningites purulentes néo-natales : ponction lombaire, examen cytobactériologique du liquide céphalo-rachidien.
  • L’ictère nucléaire de la maladie hémolytique.
  • L’œdème simple cérébro-méningé : liquide céphalo-rachidien clair, sous-tension.

Traitement

Il comprend :

  • le traitement prophylactique,
  • le traitement curatif.

LA PROPHYLAXIE doit se faire à trois stades : avant l’accouchement, pendant l’accouchement, après l’accouchement.

1) Prophylaxie ante-partum.

C’est d’éviter l’accouchement prématuré : repos des femmes enceinte (surtout si gémellaire), amélioration des conditions de vie, hygiène alimentaire…

2) Prophylaxie per-partum.

a) Prophylaxie du traumatisme.

  • Préférer la césarienne à l’application de forceps qui risque d’être traumatisante.
  • Epreuve du travail limitée dans le temps.
  • Attention dans la présentation du siège : ne pas extraire trop vite l’enfant.

b) Prophylaxie de l’anoxie.

  • Attention à l’accouchement qui traîne (reconsidérer la situation après la 15e ou la r8e heure).
  • Pas trop d’analgésiques. Eviter les ocytociques.
  • Oxygénothérapie.

c) Conduite à tenir au cours de l’accouchement prématuré.

  • Pas d’analgésique. Pas d’ocytocique.
  • Oxygénothérapie.
  • Respecter la poche des eaux jusqu’à la dilatation complète.
  • Faciliter et raccourcir la période d’expulsion (épisiotomie, infiltration des nerf honteux internes, forceps parfois).

3) Prophylaxie post-partum.

  • Injection de vitamine Kr et de vitamine P.
  • Manœuvre douces. Réchauffer l’enfant.
  • Mise en incubateur si nécessaire.

TRAITEMENT CURATIF.

  • Considérer le nouveau-né comme un traumatisé du crâne (manœuvres très douces, avec grandes précautions). Désobstruction des voies aériennes.
  • Mise en incubateur. Réchauffement modéré.
  • Calmants neurologiques : Gardénal, 1 à 5 cg par jour.
  • Oxygénothérapie pour lutter contre les troubles respiratoires.
  • Coagulants. Vitamine Kr. Rutine.
  • Surveillance continuelle (attention à l’apnée, à la cyanose).
  • Extraits surrénaux contre le choc.
  • Toniques cardio-vasculaires si collapsus (coramine, 1/8 à 1/4 de cc).
  • Les antibiotiques sont à conseiller, car ils préviennent l’infection pulmonaire.

Enfin, la ponction lombaire rend service en diminuant l’hypertension intra-crânienne. On lui reproche cependant de favoriser parfois la reprise de l’hémorragie. On peut la répéter si on le juge nécessaire et soustraire un peu de liquide céphalo-rachidien tous les deux ou trois jours. Elle a pour intérêt d’affirmer le diagnostic et d’éliminer éventuellement l’existence d’une méningite néo-natale.

Il faut noter que le traitement neurochirurgical peut parfois être envisagé de façon précoce lorsqu’une collection hématique limitée sous-durale ou intra-cérébrale est diagnostiquée (hypertension intra-crânienne précoce, syndrome clinique systématisé). L’artériographie, la trépano-ponction exploratrice peuvent rendre des services (contre-indication : le prématuré).

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