Deux médecins d’une clinique privée de Neuilly-sur-Seine, accusés de graves négligences dans le suivi d’une patiente décédée en 1998 après son accouchement, sont jugés pour la troisième fois devant la cour d’appel de Versailles. Leur condamnation en appel avait été annulée par la Cour de cassation après un vice de procédure.

La Cour de Cassation avait annulé le 15 juin 2010 un premier arrêt de la Cour d’Appel de Versailles, qui, en mai 2009, avait reconnu coupables d’homicide involontaire le gynécologue obstétricien Patrick Sibella et son confrère anesthésiste Didier Bouquiaux, au motif que deux experts médicaux n’avaient pas prêté serment lors de ce procès. Mis en cause dans cette affaire, la clinique et la sage-femme avaient été relaxées en appel.

Un erreur du Président de la Cour d’Appel

Ce nouveau procès est « très douloureux » pour la famille de la défunte, Sophie Porte, « obligée de retourner une troisième fois devant la justice en raison d’une erreur judiciaire alors qu’il y a déjà eu erreur médicale », a dénoncé l’avocate du mari de Mme Porte, Me Sophie Maltet. Derrière les années de procédure, l’enfant né en 1998 de cet accouchement, aujourd’hui une adolescente de 13 ans, a du mal à se construire après la mort de sa mère, selon l’avocate.

Me Maltet dit ne pas comprendre que le président de la 8e chambre de la cour d’appel de Versailles de l’époque, Marc Riolacci, ait pu commettre “une telle erreur” de procédure. « Qu’un magistrat de cette envergure et aussi chevronné ait pu oublier de faire prêter serment aux experts médicaux, je n’arrive toujours pas à l’expliquer », s’insurge l’avocate. Les avocats des médecins avaient exploité ce vice de procédure pour demander à la Cour de cassation un nouveau procès.

En appel, Patrick Sibella, 61 ans, qui exerce toujours à la clinique Sainte-Isabelle de Neuilly, avait été condamné à 30 mois de prison avec sursis, une peine plus lourde qu’en première instance. Cette condamnation avait été assortie d’une « interdiction définitive d’exercer directement ou indirectement la profession de médecin, chirurgien ou obstétricien ». Didier Bouquiaux, 64 ans, avait reçu neuf mois de prison avec sursis, avec l’interdiction d’exercer durant un an. En première instance, M. Bouquiaux, qui travaille lui aussi toujours à la clinique, avait été condamné à deux ans de prison avec sursis et deux ans d’interdiction professionnelle.

Ils étaient restés injoignables

Les deux praticiens sont soupçonnés de graves négligences dans le suivi de Sophie Porte, morte quelques heures après son accouchement d’une hémorragie de la délivrance, le 7 mai 1998, jour de ses 39 ans. L’accouchement difficile d’un bébé de 4,7 kg avait provoqué d’importants saignements chez la mère. Les deux médecins avaient pourtant quitté rapidement la clinique, estimant que l’état de la patiente était stabilisé.

L’obstétricien s’était rendu à son cabinet pour des consultations et l’anesthésiste, qui avait un rendez-vous sur un parcours de golf, avait éteint son téléphone portable. Restée seule auprès de Sophie Porte, dont l’état s’était brusquement aggravé, la sage-femme Françoise Bicheron avait en vain tenté de contacter les deux médecins. En fin d’après-midi, Sophie Porte avait succombé à son hémorragie.

Source : Le Monde

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