Alexandre MINKOWSKI, professeur de pédiatrie (France). Extrait de son livre autobiographique, Le mandarin aux pieds nus, co-réalisé avec le journaliste Jean LACOUTURE. Editions du Seuil. 1975. (Centre de Documentation ARIANE)
” Jean LACOUTURE : Quand une femme mourait en couches, c’était par la faute de l’obstétricien?
Alexandre MINKOWSKI : Non. Nous avons effleuré déjà cette importante question de la responsabilité médicale. En tout cas, un médecin déclaré responsable d’une faute peut bénéficier des circonstances atténuantes et ne pas être déclaré pénalement coupable.
Cette confusion trop fréquente entre culpabilité et responsabilité pourrait entraîner, plus particulièrement dans le domaine des fautes ou des négligences obstétricales, les médecins, experts ou non, à se soutenir entre eux, à ignorer, – au nom de la sacro-sainte « confraternité » qui bien souvent confine à la complicité – la vérité, privant ainsi par leur faute les parents d’enfants handicapés de l’obtention des dommages et intérêts. Je ne peux même pas raconter mes expériences d’expert ; elles évoquent Corps et Ames et m’ont entraîné aujourd’hui à refuser d’être moi-même expert, tant il est rare que justice soit rendue à la famille.
Je n’ignore pas la gravité de ce que j’avance ici. Je suis excédé des références à l’honneur des médecins, à leur dignité, à la confraternité. Nous sommes des hommes comme les autres, faillibles, souvent épuisés par notre métier, écœurés de travailler comme nous Je faisons dans des administrations publiques chaotiques et inefficaces. Mais nous avons à être jugés comme les autres, comme des conducteurs de train, et devons renoncer, au nom de la justice, à nos privilèges de corporation et de classe, largement entretenus par ceux qui sont pour l’Ordre.
Le domaine de la périnatalité est particulièrement propice aux accidents. En France, par exemple, sur les 800000 naissances annuelles, 12000 femmes ont des grossesses à risques, sans parler des très nombreuses fausses couches spontanées de femmes qui auraient voulu pourtant avoir un enfant ; cela ne veut pas dire que les 120000 enfants en question vont mourir ou être handicapés, cela veut dire qu’il y a risque potentiel pour le fœtus, et que si ces femmes ne sont pas bien surveillées ou accouchent mal, une catastrophe se produira, qui était évitable.”
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