
Le cœur de son fils était descendu à 70 battements
« Je suis rentrée à la maternité de Feurs à 15 heures. À 16 heures, les soucis avec Anthony ont commencé », se remémore la maman. Durant l’accouchement, le cœur de son fils était descendu à 70 battements par minute alors qu’il aurait dû rester entre 140 et 170. Face à la situation, les sages-femmes multiplient les appels au gynécologue de garde. Ce dernier arrive aux alentours des 20 h 30 avant de repartir, jugeant la situation sous contrôle.
« Anthony était bleu et ne respirait pas »
Après trois heures et demie de travail, Anthony naît. « On s’est rendu compte qu’il y avait un souci. Il était bleu et ne respirait pas. Après, on l’a entendu pleurer. Les infirmières l’ont placé dans une couveuse à oxygène pour la nuit », révèle la mère de famille, plongée dans ses souvenirs.
Elle ne pourra prendre son enfant dans ses bras que le lendemain. Un bonheur de courte durée, puisqu’après une demi-heure, Anthony rechute. Il est héliporté à l’Hôpital Nord de Saint-Etienne dans la foulée. Le constat est sans appel : lors de l’accouchement, l’enfant a eu le cordon autour du cou pendant un trop long moment.
Mère et fils ne seront réunis que le surlendemain. Pendant une semaine, le bébé reste sous assistance respiratoire. Les médecins annoncent alors aux parents que le cerveau d’Anthony est endommagé et personne ne sait comment la situation va évoluer. « Nous avons eu la chance que la situation d’Anthony progresse mieux que ce qui nous avait été annoncé », confie Patricia Lagneau. Après un mois d’hospitalisation, la famille peut enfin se retrouver chez elle…
Le début d’un long combat
Neuf mois après la naissance d’Anthony, lors d’une consultation, les parents vont apprendre qu’il est aussi malvoyant. « Il n’a pas de vision périphérique. Il voit comme s’il avait une boîte autour des yeux », dévoile sa maman. Ces rendez-vous médicaux ont été durs à vivre pour l’ensemble de la famille. « J’étais effondrée après chaque visite. » Une situation qui finira par provoquer un burn-out chez Patricia.
La maman se voit prescrire un long arrêt de travail pour qu’elle puisse retrouver un sommeil perdu depuis plusieurs mois. « Même quand on n’a plus la force de faire les choses pour soi, on la retrouve toujours pour s’occuper de son enfant », proclame-t-elle. Après avoir remonté la pente, la famille va prendre une décision difficile : lancer une procédure à l’encontre de la maternité de Feurs pour erreur médicale.
La responsabilité de l’hôpital a déjà été reconnue
Après l’émotion de la naissance d’Anthony, la vie reprend son cours. Néanmoins, Patricia Lagneau reste persuadée qu’il y a eu un problème lors de la naissance de son fils. « Juste après l’accouchement, la sage-femme et le gynécologue se sont fâchés dans une pièce à côté. » La mère de famille s’est donc posé beaucoup de questions sur ce qu’il s’était réellement passé. « J’avais l’impression qu’il y avait une erreur qui avait été commise. Je rencontrais des regards fuyants de la part du personnel de l’hôpital. »
Patricia Lagneau va donc se renseigner et décider de porter plainte auprès de l’Ordre des médecins. « J’ai d’abord contacté un cabinet d’avocats. Après examen du dossier médical, ils m’ont conseillé de porter plainte. » Anthony a 18 mois à l’époque.
« À trois ans, Anthony a eu sa première expertise à Lyon. À l’issue de cette dernière, la responsabilité de l’hôpital a été engagée », précise la maman. D’autres expertises ont eu lieu depuis pour établir l’étendue des préjudices subis avec le temps. Il y a deux ans, le dernier bilan a permis d’établir les préjudices finaux.
20 ans plus tard, ce combat pourrait connaître une fin. La décision de justice sera rendue au début du mois de mars par le Tribunal Administratif, pour définir l’ensemble des dommages et les réparations que l’hôpital doit à la famille. Une procédure longue mais nécessaire pour la famille.
Contacté, le Centre hospitalier du Forez a affirmé que « l’établissement appliquera les décisions de justice. Mais qu’il ne fera pas de commentaire supplémentaire. »
Un encadrement médical nécessaire depuis sa naissance
Même si Anthony a pu quitter l’Hôpital Nord au bout d’un mois, il n’est jamais resté très loin du monde médical. L’état de santé du garçon nécessite une prise en charge quasi permanente. Les instituts spécialisés ne prennent les enfants qu’à partir de cinq ans. Ainsi, Anthony va intégrer le Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) de Montbrison. Cette structure accueille les jeunes enfants de zéro à cinq ans. Des spécialistes vont le prendre en charge jusqu’à l’âge limite. Par la suite, il va pouvoir intégrer des Instituts médico-éducatifs (IME). Il reste à celui des Mayollet à Roanne jusqu’à ses 18 ans.
La crise sanitaire a aussi entraîné la sortie d’Anthony de l’IME. « Il ne se sentait plus bien là-bas et nous avons donc décidé de faire les soins à domicile », argumente sa maman. Ainsi depuis le début de la pandémie, Anthony a retrouvé le cocon familial tous les jours.
L’arrivée de son petit frère va beaucoup apporter à Anthony Ce cadre familial a déjà pu aider Anthony. Après une longue période de doutes, le couple a un nouvel enfant, Loïc, de trois ans le cadet d’Anthony. Un nouveau membre de la famille qui va aider au développement de l’aîné. « Jusqu’à ses cinq ans, Anthony ne parlait pas. Mais l’arrivée de son frère va énormément lui apporter. Ils ont vite développé une connexion. Loïc nous a servis d’interprète par moments », sourit Patricia.
Sept à huit d’attente pour une place dans une structure adaptée
« Je ne serai jamais sereine par rapport à Anthony », admet Patricia, les larmes aux yeux. Le combat judiciaire n’est qu’une partie du combat de la vie de cette famille. Anthony ne sera jamais autonome et il devra toujours être accompagné dans son quotidien. Preuve de la complexité du suivi d’Anthony, le temps d’attente pour intégrer des structures pour adultes est de sept à huit ans.
Source : Le Progrès.
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