Emilie Negahban a perdu son bébé au terme d’un accouchement difficile le 4 février 2022, à Vancouver. Alors que l’ancien procureur général, David Eby, s’apprête à devenir premier ministre de la Colombie-Britannique, elle réclame la modernisation de la loi Family Compensation Act, qui détermine qui peut demander un dédommagement après une mort jugée injustifiée d’un membre de sa famille.

« Tout ce que j’aurais voulu, c’est de pouvoir rentrer à la maison avec mon fils parce que j’ai fait tout ce que j’aurais dû faire pendant ma grossesse pour avoir un bébé en bonne santé » affirme la femme de 32 ans, qui a survécu à un cancer du col de l’utérus. Mais le petit Nathaniel est mort à l’hôpital quelques heures après être venu au monde parce que l’accouchement a pris trop longtemps, affirme sa mère.

Avec sa famille, elle supplie David Eby d’intervenir pour modifier la loi, parce que, alors qu’il était procureur général, celui-ci avait affirmé en faire une priorité en décembre 2020, dans le cadre du mandat actuel du gouvernement provincial. Il a d’ailleurs réitéré cet engagement dans un courriel envoyé au mois de mai dernier à la mère d’Emilie Negahban, Catherine Barry, en réponse à l’un de ses nombreux appels à l’action.

L’histoire d’Emilie

Emilie Negahban a perdu les eaux le 2 février 2022. Elle affirme que ce n’est que 30 heures après s’être présentée pour une première fois à l’Hôpital Lions Gate, à North Vancouver, que les poussées ont pu commencer. Elle dit qu’elle a dû retourner chez elle à deux reprises, car le col de l’utérus n’était pas assez dilaté.

Au bout de plus de trois heures de poussées, le bébé ne sortait toujours pas. « Dès le début, je leur ai dit que je n’avais pas de problème à faire une césarienne, explique Emilie Neghaban. Mais le médecin a dit : « Non, on va essayer par les voies naturelles. » L’équipe a alors tenté d’utiliser la ventouse obstétricale, un instrument qui s’applique sur la tête du bébé pour l’aider à sortir, mais cela n’a pas donné plus de résultats, après trois tentatives. C’est à ce moment-là qu’Emilie Negahban a été envoyée en salle d’opération pour une césarienne. « Il était tellement coincé qu’ils ont dû pousser très fort sur sa tête. Quand ils l’ont tiré, il ne pleurait pas, il était tout bleu. » 

Nathaniel a dû par la suite être transporté à l’unité de soins intensifs néonatals de l’Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique parce qu’il n’arrivait pas à respirer par lui-même. Les médecins n’ont toutefois rien pu faire pour le sauver, et il est mort dans les bras de sa mère.

Un accouchement traumatique

Selon Emilie Negahban, l’autopsie indique que Nathaniel a perdu la vie à la suite d’un accouchement traumatique, lors duquel il a souffert d’asphyxie et d’une fracture du crâne. Elle ajoute que le rapport dit que, par ailleurs, l’enfant était en bonne santé.

Elle ajoute qu’elle a pris connaissance de ces résultats au mois de juillet par l’intermédiaire d’un médecin, mais qu’elle n’a jamais reçu le rapport d’autopsie.

Une enquête demeure ouverte

Le Service des coroners de la Colombie-Britannique n’a pas été en mesure d’en fournir une copie à CBC/Radio-Canada, précisant que ces informations médicales sont confidentielles. « Une enquête sur ce décès demeure ouverte » dit un porte-parole.

De son côté, la régie de la santé Vancouver Coastal Health (VCH) écrit ceci dans un courriel : « Un examen approfondi de la qualité des soins a été effectué [dans le but] d’identifier les problèmes du système qui pourraient être améliorés. » Elle a cependant refusé de donner plus détails à CBC/Radio-Canada.

Des vies jugées « sans valeur »

Emilie Negahban souhaite qu’une situation comme celle qu’elle a vécue ne se reproduise plus. « Mon but, c’est que l’on change cette loi. On ne peut pas traduire l’Hôpital en justice parce que les enfants ne valent rien », déplore-t-elle.

En fait, la loi Family Compensation Act ne tient pas compte des pertes autres que celles résultant de dommages financiers, explique l’avocat de la firme DJJ Law, à Vancouver, Azool Jaffer-Jeraj, qui est également membre de l’Association des juristes d’expression française de la Colombie-Britannique (AJEFCB). En gros, précise-t-il, la vie de personnes à charge financière, comme des enfants ou des parents retraités, est jugée « sans valeur par le gouvernement de la Colombie-Britannique et les compagnies d’assurance. Le problème, c’est que notre législation remonte aux années 1800. »

D’après lui, cette loi doit être modernisée pour améliorer l’accès à la justice des familles, mais aussi, pour que des dommages-intérêts punitifs puissent être imposés aux responsables d’une mort injustifiée. « C’est comme cela que les gens tirent des leçons », estime-t-il.

Des membres de familles qui ont perdu un proche de façon jugée injustifiée se sont réunis au bureau de circonscription de David Eby, le 7 mai dernier, pour demander la modernisation de la loi Family Compensation Act.

Un projet de loi déjà prêt

La BC Wrongful Death Law Reform Society est un organisme qui milite pour l’atteinte de cet objectif depuis 25 ans et tente de sensibiliser le public à cette question à travers les exemples de personnes ayant vécu une situation similaire à celle d’Emilie Negahban.

Selon son président, Michael-James Pennie, une loi appropriée accorderait une valeur égale à toute vie humaine et prendrait en considération la privation de soins, de conseils, d’amour, d’affection et de compagnie ressentie lorsqu’une famille perd un de ses membres de façon injustifiée.

L’organisme affirme avoir rencontré David Eby en 2019. Il a préparé une ébauche de projet de loi, intitulée Wrongful Death Accountability Act, un progrès majeur par rapport au système actuel, après avoir consulté d’autres lois au Canada. Il invite le gouvernement de la Colombie-Britannique à l’examiner et à le présenter. La dernière version a été soumise à David Eby en 2021. Selon l’organisme, la première version du projet de loi a été élaborée en 2017 et mise à jour en 2020, puis en 2021.

Dans une déclaration, le ministère du nouveau procureur général, Murray Rankin, maintient que son objectif est de régler cette question dans le cadre du mandat du gouvernement actuel. Il précise toutefois qu’il y a un certain nombre d’étapes à franchir pour y arriver. Nous serions heureux de rencontrer à nouveau la BC Wrongful Death Law Reform Society dans le cadre de notre processus d’engagement des intervenants, dit également la déclaration.

David Eby n’a pas répondu aux demandes de commentaires de CBC/Radio-Canada. Les prochaines élections provinciales sont prévues pour 2024 en Colombie-Britannique.

Source : Radio Canada.

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