
« Un expert médical a voulu disculper l’obstétricien au mépris des faits » : 11 millions d’euros d’indemnisation pour les parents d’un enfant lésé cérébral des suites d’un accouchement traumatique à la maternité de Cagnes sur Mer.
Ils sont encore sous le choc. Piotr et Ika Zywiecki ont perdu leur petite Diana, le 3 décembre 2019, lors de l’accouchement à l’Hôpital privé Parly 2 du Chesnay. Ce jour-là, à 22h39, le décès de l’enfant est constaté. Le rapport du pédiatre parle d’une « dystocie des épaules », laquelle a entraîné « l’écrasement du cordon ». « L’enfant n’a pu être ranimé », stipule ensuite le rapport cosigné par le Samu.
Quarante jours après ce drame, le couple Zywiecki ne comprend toujours pas ce qui est arrivé, et s’apprête à intenter une action en justice. D’autant que l’autopsie qu’ils ont fait pratiquer sur le corps de l’enfant, révèle que celui-ci était parfaitement viable.
Tout commence au cœur de l’été. Le gynécologue obstétricien exerce depuis une dizaine d’années à Parly 2, pratique un examen fin juillet. Il relève une « macrosomie », c’est-à-dire un fœtus ayant une évolution plus grosse que la normale.
Le 2 août, lors d’une échographie, un « diabète gestationnel » est découvert. Cette maladie, qui peut apparaître lors de la grossesse, disparaît après celle-ci. Provoquée par une résistance temporaire du corps de la mère à l’insuline, elle peut faire exagérément grossir l’enfant et signifie quasiment à coup sûr un accouchement par césarienne. En septembre, Ika rencontre une diabétologue qui préconise un suivi alimentaire strict. La maladie est stabilisée tant bien que mal. « A ce moment-là, on nous dit que tout est normal. Que comme je suis un homme plutôt corpulent et fort, le bébé serait pareil », raconte Piotr dont le passé de joueur de rugby parle pour lui.
« Ils tapent avec leurs poings sur le ventre de ma femme, qui aura des hématomes »
En septembre, nouvelle échographie et revirement. « Comme par magie, le bébé redevient normal. On ne parle plus de macrosomie », reprend-il. Le 7 novembre lors d’une échographie réalisée quatre semaines avant l’accouchement, le gynécologue estime que le bébé pèsera « 3,293 kg » à plus ou moins 500 g. Une « plaisanterie » pour Piotr.
Vient enfin l’accouchement, le 3 décembre. Ce jour-là, leur gynécologue attitré passe voir le couple. « Je viendrais vous voir demain pour vous féliciter », dit-il avant de s’éclipser vers 19 heures. Son homologue, qui récupère le dossier vers 20 heures mais ne connaît pas les antécédents de la parturiente, évoque tout de suite « une grosse tête » pour le nourrisson.
Ika étant en dilatation totale, il prend une ventouse pour tenter de le sortir. Pendant 25 minutes, la tête est sortie mais les épaules bloquent. « Je vois la scène et le docteur se met à paniquer. Il me dit que l’enfant va avoir des problèmes. Je sens l’urgence totale. Ils tapent avec leurs poings sur le ventre de ma femme qui aura des hématomes pendant quatre semaines. Ils finissent par joindre une de leurs collègues qui, avec ses doigts plus fin, arrive enfin à sortir le bébé », raconte Piotr.
L’accouchement a lieu à 21h10. L’hôpital appelle le Samu. « Ils l’ont fait au bout de 3 minutes et le rapport indique qu’il est arrivé entre 52 et 57 minutes plus tard. Dans les 10 minutes suivant son arrivée, le Samu constate le décès », dit-il.
Colère et amertume
Le lendemain, une sage-femme et un docteur recommandent au couple de procéder à une autopsie. La cadre de santé est moins affirmative. « Ce n’est pas remboursé », leur lance-t-elle. Une photo du bébé post-mortem leur est tendue avant qu’on leur demande de partir. « Cela nous a beaucoup choqués. Seul le directeur a pris la peine de venir nous voir et a compati à notre malheur », lâchent Ika et Piotr.
Le couple, qui avait fait le choix du privé, le regrette avec énormément d’amertume et a bien du mal à retenir sa colère. « Nous sommes persuadés qu’on a accouché trop tard, qu’il aurait dû y avoir une césarienne. Les erreurs médicales se sont succédé. La petite n’avait aucune chance et la maman aurait pu y rester aussi. Pourquoi le Samu est-il arrivé si tard ? » s’interrogent-ils.
Le gynécologue se dit « effondré »
Contacté par nos soins, le docteur se déclare « effondré ». « Dans ma vie de médecin, confie-t-il, c’est un gros échec. On fait tout pour que les parents repartent avec un enfant en bonne santé. Rétrospectivement, je pense qu’il aurait fallu pratiquer une césarienne et je l’aurais fait si j’avais su que l’enfant ferait 5 kg mais rien ne me permettait de le penser avant lorsque j’ai fait faire une échographie début novembre. »
Le gynécologue n’a cessé de tendre la main au couple Zywiecki. « Dès le lendemain du drame, je leur ai dit que ma porte leur était ouverte et que, même si rien ne pouvait changer cette situation, je pouvais répondre aux questions qu’ils me poseraient », raconte le praticien, qui pense que ce sont les experts des Commissions d’Indemnisation et de Conciliation qui détermineront les responsabilités médicales.
Du côté de l’Hôpital privé Parly 2, le directeur, Denis Chandesris renouvelle ses condoléances à la famille. « Nous avons fait le maximum dans le suivi post événement et j’ai fait en sorte qu’ils disposent d’un dossier très complet. Il y a pu y avoir des maladresses de certains après coup mais lors de l’accouchement, une équipe de soins complète était réunie à leurs côtés. Les questions d’ordre médicales seront traitées dans le cadre des commissions ad hoc si la famille les saisit », explique-t-il.
Source : Le Parisien.
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