Depuis 2011, Marie est incontinente à la suite d’une déchirure sphinctérienne non détectée lors de son accouchement au Centre Hospitalier de Calais. Le Tribunal Administratif de Lille a condamné l’établissement pour faute médicale.

« Depuis mes 23 ans, je porte des couches. » Cela fait onze ans que Marie* est incontinente. Un handicap invisible, lié à son premier accouchement en mai 2011. À cette époque, la jeune femme habite Châteauroux. « On ne voulait pas être seuls à la maison pour l’arrivée de notre premier enfant. Du coup, on a voulu se rapprocher de la famille qui habite à Grand-Fort-Philippe. »

Le 3 mai 2011, elle accouche donc d’un petit garçon à l’hôpital de Calais. Mais lors de son séjour en maternité, des vives douleurs apparaissent. « J’avais des feux de rasoir au niveau de l’intimité. » Marie ne le sait pas encore, mais elle souffre d’une déchirure sphinctérienne aussi appelée périnée complet ou Lésions Obstétricales du Sphincter Anal (LOSA).

Des lésions graves, dont les chances de réparation diminuent avec le temps. « À chaque fois que je me plaignais de douleurs, on me disait que c’était normal. Que c’était le baby blues. Mais non, j’étais très heureuse d’avoir mon bébé. Ils ont sous-estimé ce que je disais », tempête la jeune femme, qui vit aujourd’hui à Saint-Omer.

Le diagnostic ne sera posé qu’en septembre 2011 par un médecin n’exerçant pas au CH Calais, soit quatre mois après l’apparition des premiers symptômes. Un délai réduisant les chances de réparation pour la trentenaire, incontinente depuis. « Ils m’ont enlevé ma jeunesse, ma joie de vivre. Tout ce qu’on voulait, c’était avoir un enfant, c’est tout. »

Le 27 juillet 2022, l’hôpital de Calais a été condamné par le tribunal administratif de Lille pour « absence de diagnostic de la déchirure sphinctérienne » de Marie. Une faute médicale de l’équipe du centre hospitalier de Calais, conclut le jugement du tribunal. « Eu égard à la douleur ressentie (…) et l’odeur de ses lochies, une écho-endoscopie anale aurait dû être réalisée », ajoute le tribunal.

L’établissement de santé devra verser 220 265,73 € à la jeune maman. « On pourrait me donner un million, ça ne changerait rien à ma situation. » Une fois le diagnostic posé, la carrière militaire de Marie se brise. « J’ai été révoquée pour infirmité. J’avais un super poste, j’étais engagée depuis mes 18 ans. »

Sensibiliser d’autres parents

Sa force de caractère la pousse à traverser toute la France pour obtenir des soins. Mais aucun chirurgien ne veut se risquer à opérer la mère de famille. « Ils disent que c’est trop tard », souffle la jeune maman. Le taux de réparation (ses chances de guérison) de Marie est descendu en dessous de la barre des 50 %. La jeune femme se retranche alors vers des solutions alternatives, expérimentales même. Dont une tentative de greffe de cellules-souches. « Je n’avais rien à perdre. » Mais rien n’y fait. Marie, 34 ans, est mutilée à vie.

Aujourd’hui, Marie est maman de trois petits enfants. « Ils ont détruit tout. La seule belle chose qu’il me restait, c’était la maternité. »

Grâce à son témoignage, elle espère se reconstruire mais aussi sensibiliser d’autres parents. « Je veux les prévenir, dire aux mamans que si elles ont des grosses douleurs, des fuites urinaires, elles doivent consulter immédiatement. Le périnée complet, on n’en parle pas assez. »

Contacté, l’hôpital de Calais n’a pas souhaité commenter cette décision de justice.

(*) Prénom d’emprunt.

Source : La Voix du Nord.

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